

![]()
 C’est sĂ»rement difficile aujourd’hui d’imaginer l’importance qu’avaient les fanzines pour la culture underground dans les annĂ©es 80 et 90. Ces petits magazines confectionnĂ©s Ă la main et photocopiĂ©s la plupart du temps Ă©taient souvent la seule et unique source d’information et de connaissance et faire un fanzine Ă©tait presque aussi cool que de jouer dans un groupe. Un fanzine, c’Ă©tait potentiellement tout un monde de groupes et de scĂšnes qui s’ouvrait Ă toi. En tous cas, c’est exactement l’effet que me fĂźt SONIK. Ce fanzine a fait connaĂźtre au gamin fan de hardcore-punk que j’Ă©tais une musique qui y ressemblait mais pas totalement. Des rythmes plus Ă©tranges, plus complexes, des sonoritĂ©s qui pouvaient emprunter au jazz ou aux musiques expĂ©rimentales ou Ă©lectroniques. Les noms de Sabot, Zeni geva, Dog faced hermans, Heliogabale, Pain teens ou Melt banana me sont devenus familiers, parmi beaucoup, beaucoup, beaucoup d’autres. Plus de 20 ans plus tard, Xavier publie toujours comme un fou Ă propos de ce punk bizarre qu’il aime tant sur son webzine Perte & fracas et il Ă©tait impossible de passer Ă cĂŽtĂ© de l’occasion de l’interviewer, mĂȘme si ce n’est qu’une interview par mail. De bonnes grosses rĂ©ponses massives, directes, sincĂšres et passionnĂ©es, comme je m’y attendais. Merci Xavier.
Le nombre de critiques que tu publies est impressionnant ! Comment trouves-tu le temps dâĂ©couter tous ces disques et dâĂ©crire ? Euh⊠tu les Ă©coutes, hein ?
GrĂące Ă une discipline de fer et une hygiĂšne de vie irrĂ©prochable. Et une conscience professionnelle incroyable qui fait que oui, j’Ă©coute tous ces disques. HĂ©las des fois. En fait, j’Ă©coute de la musique du matin au soir, tout le temps, par tous les temps et par tous les moyens que le monde moderne a mis Ă notre disposition mĂȘme si au final, c’est ma bonne vieille platine vinyle qui use surtout. Je crois que j’aime ça tout simplement. Ăa fait pas loin de 30 ans que j’Ă©cris des chroniques donc c’est une gymnastique quotidienne devenue trĂšs facile (en gĂ©nĂ©ral), comme une seconde peau, comme manger ou pisser, ça me prend pas Ă©normĂ©ment de temps contrairement Ă l’Ă©coute. LĂ , je peux ĂȘtre assez long avant de me lancer Ă chroniquer un disque, j’aime bien avoir l’impression d’en avoir fait le tour mĂȘme si c’est impossible. Du coup, les chroniques arrivent souvent en retard par rapport aux sorties mais je m’en fous, rien ne presse. Et puis, chroniquer un disque, c’est franchement pas compliquĂ©. J’Ă©tais tombĂ© par hasard y’a pas mal d’annĂ©es sur un bouquin d’Alain Dister, journaliste rock, avec au verso une de ses citations qui disait un truc du genre « n’importe quel connard peut Ă©crire sur le rock ». Je suis carrĂ©ment d’accord avec ça. Et il disait ça au dĂ©but des seventies, quand internet, tous les blogs, webzines n’existaient pas encore, alors que n’importe qui peut donner dĂ©sormais son avis trĂšs facilement. Un visionnaire le mec !

Revenons Ă la prĂ©histoire : peux-tu nous parler de la transition entre le fanzine SONIK que tu faisais dans les annĂ©es 90 et Perte & fracas ? Quâest-ce qui a motivĂ© le passage au numĂ©rique ?
Le temps et l’argent ! Sonik s’est arrĂȘtĂ© au n°8 en mai 96. Il faisait 120 pages environ, tirage 500 exemplaire, couverture couleur, et chaque exemplaire me revenait Ă 25 francs (environ 4 euros pour les plus jeunes !) et je le revendais… 25 Frs. J’ai toujours Ă©tĂ© un trĂšs bon gestionnaire. A l’Ă©poque, 25 Frs, c’Ă©tait dĂ©jĂ pas mal (le prix d’un single, voir plus) et le vendre plus cher, c’Ă©tait trop. Et comme il fallait aprĂšs l’envoyer dans de multiples dĂ©pĂŽts Ă travers la France via La Poste Ă mes propres frais, je perdais trop d’argent. Rien qu’un colis de 10 n° revenait dans les 50/60 balles donc le compte a Ă©tĂ© vite fait, j’ai fermĂ© boutique hĂ©las… Quelques temps aprĂšs, internet a commencĂ© Ă dĂ©barquer pour le grand public et avec l’asso KFuel dont je fais partie, on a montĂ© un site pour parler de nos activitĂ©s, essentiellement l’orga de concerts. C’est Ă ce moment lĂ que j’ai pu reprendre les chroniques en crĂ©ant une rubrique zine, c’Ă©tait vers 97. C’est pour ça d’ailleurs qu’on retrouve plein de chroniques sur P&F allant de 96 Ă 2003 alors que le webzine s’est crĂ©e qu’en 2004. J’avais rapatriĂ© toutes les chros que j’avais Ă©crites pour KFuel pour avoir du contenu Ă l’ouverture. Donc, voilĂ , le fric, la facilitĂ© de publier sur internet, la diffusion instantanĂ©e dans le monde entier, le manque de temps, ne plus passer des nuits blanches Ă mettre en page, Ă ressortir la colle et les ciseaux. Je caresse toujours l’espoir un jour de sortir une version papier de P&F, ça me manque, genre une fois l’an pour rĂ©capituler une grande partie ou la totalitĂ© des Ă©crits de l’annĂ©e qui viennent de s’Ă©couler mais je crois que ça se fera jamais ! Sauf si quelqu’un-e me dit un jour qu’il/elle est prĂȘt-e Ă se porter volontaire pour s’en occuper !
Les numĂ©ros de SONIK ont-ils Ă©tĂ© numĂ©risĂ©s ? Est-ce quâon peut les trouver quelque part ?*
Non pas Ă ma connaissance, pas de numĂ©risation. Et ne compte pas sur moi pour le faire, j’ai mĂȘme pas tous les numĂ©ros. Juste les maquettes dans un piteux Ă©tat. Par contre, j’ai appris rĂ©cemment que la fanzinothĂšque du Confort Moderne Ă Poitiers Ă tous les n°… et chez des potes aussi mais lĂ , ça va ĂȘtre plus compliquĂ© !
Dans SONIK, il y avait des articles extra-musicaux â je me souviens dâun dossier sur Louis Calaferte â quâon ne retrouve plus sur Perte & Fracas, y a-t-il une raison particuliĂšre Ă cela ?
Le temps et… ah non, pas l’argent ! J’aimerais en faire beaucoup plus. Plus de chros,de scene reports, d’articles en tout genre mais mĂȘme si je ne dors pas beaucoup, je n’y arrive pas. Et puis, il faut avoir aussi l’envie d’Ă©crire sur autre chose que la musique, sentir le sujet qui va te motiver mais en fait, je crois que je ne cherche pas. MĂȘme si plein d’autres sujets non musicaux m’intĂ©ressent, je les garde pour moi maintenant. P&F, c’est vraiment la musique et rien que la musique.
Tu as publiĂ© aussi quelques interviews mais la derniĂšre date de 2014. Câest quelque chose qui ne tâintĂ©resse plus ?
Si Ă©normĂ©ment mais comme pour la rĂ©ponse prĂ©cĂ©dente, manque de temps (sauf pour y rĂ©pondre hahaha) et la flemme. En fait, ce sont surtout les conditions pour faire une bonne interview qui manquent. Lors de la venue d’un groupe en concert, c’est souvent chaud pour choper le groupe entre deux balances, le repas, les concerts, dans un coin de backstage bruyant sans parler des groupes qui s’en tapent. En plus, mon anglais laisse grandement Ă dĂ©sirer. Si j’arrive Ă me faire comprendre, j’entrave pas la moitiĂ© de ce qu’ils rĂ©pondent (ou alors ne faire que des groupes français ?). Autant le faire par Ă©crit alors mais lĂ aussi, c’est limitĂ©. On ne peut pas rebondir sur ce que la personne vient de dire, on ne peut pas instaurer une vĂ©ritable discussion. Je crois aussi que j’ai pas mal Ă©tĂ© déçu et frustrĂ© par plusieurs interviews que j’ai pu faire dans le passĂ©, pas grand chose d’intĂ©ressant en sortait. L’idĂ©al, ce serait de passer une journĂ©e, en dehors des tournĂ©es, pour taper la discute avec un groupe, sans contrainte de temps, sans stress mais lĂ je rĂȘve. Et puis au final pour ĂȘtre tout Ă fait honnĂȘte, quand je vais Ă un concert, je prĂ©fĂšre aller boire des biĂšres et discuter avec les potes parce que les musiciens, c’est que des branleurs hahaha !

The art of losing et Oldies â biographies de groupes, discographies commentĂ©es et disques en tĂ©lĂ©chargement libre – sont vraiment des rubriques gĂ©niales : quâest-ce qui tâa donnĂ© lâenvie de faire ce « travail historique » ? Est-ce quâil y avait la peur que ces groupes pre-internet tombent dans lâoubli ?
Qu’un disque vienne de sortir ou qu’il date de pas mal d’annĂ©es, le principe reste le mĂȘme, avoir envie de faire dĂ©couvrir un disque. Je m’en fous de l’annĂ©e marquĂ©e dessus, y’a pas de date de pĂ©remption pour la bonne musique ! Tout au long de ma vie (et encore maintenant), j’ai dĂ©couvert plein de disques bien aprĂšs leurs sorties, des disques que j’ai toujours beaucoup de plaisir Ă Ă©couter aujourd’hui. Alors je me suis dit, si je peux faire dĂ©couvrir des groupes comme Glazed Baby, Dazzling Killmen, Craw, Dog Faced Hermans etc etc et des disques plus obscurs mais qui auraient mĂ©ritĂ© plus de lumiĂšre, pourquoi se gĂȘner ?! En fait, je suis toujours dans la peau du lycĂ©en qui Ă©changeait des cassettes avec ses potes Ă la rĂ©crĂ©. Tiens, je vais t’enregistrer ce groupe, tu m’en diras des nouvelles et en retour, ils me faisaient des copies d’autres disques, on avait tout un trafic de cassettes. Sauf que maintenant, on s’Ă©change des liens MP3. J’avais aussi dĂ©couvert lors de discussions avec des personnes plus jeunes (mais pas seulement !) que moi que des groupes qui apparaissaient comme des Ă©vidences, que tout le monde connaissait, hĂ© bien ce n’Ă©tait pas le cas du tout, j’avais un gros dĂ©calage. Quoi, tu n’as jamais entendu parler de Dazzling Killmen !!!!???? Tu ne connais pas les deux 1ers singles de Blunderbuss ??!! Tu vivais dans une grotte ou quoi ?! Alors que c’Ă©tait normal en fait, non seulement Ă cause d’une question d’Ăąge mais aussi parce que la plupart de ces groupes dans The Art of Losing ou Oldies sont assez confidentiels, n’ont intĂ©ressĂ© qu’une poignĂ©e de personnes Ă l’Ă©poque oĂč internet n’existait pas et oĂč il Ă©tait plus difficile de se faire connaĂźtre alors que maintenant, tu mets ta 1Ăšre dĂ©mo sur Bandcamp et tu fais le tour du monde. Donc voilĂ , j’espĂšre qu’avec ces 2 rubriques, les plus jeunes peuvent dĂ©couvrir plein de disques et les plus vieux dĂ©poussiĂ©rer leur discographie ou combler les trous. Pas de volontĂ© de faire un travail historique comme tu dis mĂȘme si avec le temps, ça en prend la tournure et que c’est pas pour me dĂ©plaire. Pas de peur non plus car tout ça est bien involontaire de ma part et ce n’est pas dĂ©sagrĂ©able au final que certains disques obscurs que je chĂ©ris tant puissent se faire entendre encore, qu’une trace subsiste. Par contre, ça doit ĂȘtre important pour certains groupes de ne pas tomber dans l’oubli puisque certains m’ont demander de figurer dans The Art of Losing… J’ai Ă©galement rĂ©ussi Ă choper des disques qui ne sont jamais sortis parce que les groupes avaient splittĂ© entre temps. Quand les membres de ces groupes sont tombĂ©s par hasard sur les articles de The Art of Losing, ils m’ont spontanĂ©ment contactĂ© et Ă©taient trĂšs heureux de pouvoir faire entendre leurs enregistrements qui ne sont jamais sortis… J’ai mĂȘme dĂ©couvert il y a quelques annĂ©es que les Anglais de Headbutt sur le site Discogs avait mis comme lien « officiel » pour leur groupe la page Oldies que P&F leur a consacrĂ©e !

Humeur massacrante est une rubrique que je prend un malin plaisir Ă lire. Jâimagine quâelle nâest pas du goĂ»t de tout le monde⊠Quâest ce quâelle reprĂ©sente pour toi ? Penses-tu que, en son for intĂ©rieur, tout fan de musique est un ayatollah qui pense dĂ©tenir la vĂ©ritĂ© ultime, adoube certains groupes et voue tous les autres aux gĂ©monies ?
Je crois que tu n’es pas le seul Ă prendre un malin plaisir comme tu dis Ă lire cette rubrique, j’ai eu pas mal d’Ă©chos dans ce sens. Plus on dit du mal des autres, plus les gens adorent. L’humeur massacrante rĂ©vĂšle le cotĂ© obscur de chacun d’entre vous !! Et effectivement, elle n’est pas du goĂ»t de tout le monde. Surtout des groupes qui y figurent mĂȘme si la plupart le prennent trĂšs bien et l’anticipent mĂȘme quand ils m’envoient leur disques en me disant que je vais pouvoir me dĂ©fouler sur eux… Alors qu’en fait, je ne prends pas de plaisir Ă le faire. DĂ©jĂ , parce que je suis obligĂ© d’Ă©couter ces disques (conscience professionnelle jusqu’au bout !!) et que parfois, c’est une vraie torture pour mes oreilles. Et parce que je prĂ©fĂšre passer du temps Ă Ă©crire sur de la musique que j’apprĂ©cie, c’est beaucoup plus facile. Si j’ai fait cette rubrique, c’Ă©tait pour caser tous les disques que j’avais reçus (oĂč les erreurs d’achat) et qui ne me plaisaient pas ou que je me demandais pourquoi je les avais reçus parce qu’ils ne correspondaient pas du tout Ă P&F. J’aurais trĂšs bien pu les ignorer (ce que je fais parfois) et les balancer Ă la poubelle (oĂč ils finissent par atterrir souvent) mais comme on avait fait l’effort de me les envoyer, je voulais faire l’effort d’en parler. Au dĂ©but, je pensais Ă©crire quelques lignes seulement, assez neutres et descriptives, mais je trouvais ça vite barbant Ă faire et Ă lire. J’ai voulu donc le faire sous un angle un peu dĂ©calĂ© et l’idĂ©e de l’humeur massacrante m’est venue rapidement. Mais cette rubrique est Ă lire au second degrĂ© la plupart du temps (et ça, beaucoup de groupes l’ont compris) avec de la mauvaise foi et de la provocation gratuite, de l’humour bĂȘte et mĂ©chant, une façon sans filtre et trĂšs directe de parler musique comme quand on parle zique avec des potes sur le bord d’un comptoir de bar, il ne faut pas la prendre trop au sĂ©rieux. Mais pas toujours non plus… Et ça apprendra Ă certains Ă envoyer des disques Ă l’aveugle sans prendre un minimum d’infos sur le zine Ă qui on envoie de la promo, ils tendent vraiment le bĂąton pour se faire battre. Ăa, ça me sidĂšre.
C’est une façon aussi d’aller Ă l’encontre de toute l’hypocrisie que je peux lire dans de nombreux webzines/blogs qui lĂšchent bien le cul des labels, groupes et autres attachĂ©(e)s de presse, sans aucun avis critique, ou en se contentant de reprendre les Ă©lĂ©ments biographiques qu’on leur refile sous le nez ou en se satisfaisant de chroniquer uniquement ce qu’on leur envoie en promo sans jamais chercher Ă dĂ©couvrir des disques par eux-mĂȘmes et en achetant leurs propres disques, ce qui fait que beaucoup de zines se ressemblent. Voir de lutter contre des labels/groupes qui essayent plus ou moins habilement de vous mettre la pression pour que vous Ă©criviez des choses positives sur leur oeuvre d’art. Nan, j’Ă©cris ce que je veux et je vous emmerde.
Mais surtout, ces chroniques, positives ou nĂ©gatives, n’engagent que moi. J’ai pris le soin sur la page « contact » d’Ă©crire que « Perte & Fracas ne fait que traduire les opinions d’un modeste besogneux. Lisez entre les lignes. Ayez votre propre avis. » Je ne possĂšde aucune vĂ©ritĂ©, je ne possĂšde pas LA vĂ©ritĂ©, c’est juste un avis parmi d’autres, vous en faites ce que vous voulez aprĂšs. Si quelqu’un pense qu’il dĂ©tient la vĂ©ritĂ© ultime, c’est un vĂ©ritable crĂ©tin ou alors il s’appelle Philippe Manoeuvre, (ce qui revient au mĂȘme). Je peux dire beaucoup de bien, voir encenser des groupes (et ça constitue la majoritĂ© des chros sur P&F je pense), en descendre d’autres (mais ce sont toujours celles lĂ dont on se souvient le mieux hĂ©las…) mais ça restera toujours uniquement l’avis et rien d’autre d’un mec dans son HLM qui essaye d’Ă©crire le plus honnĂȘtement possible ce qu’il ressent Ă l’Ă©coute d’un disque. Point barre.

Mise en page au hachoir extraite de SONIK #3
Perte & Fracas, câest lâexact opposĂ© du webzine musical typique de 2018, bourrĂ© jusquâĂ la gueule dâinfos courtes, dâimages, de vidĂ©os. Quâest-ce que ça tâinspire ?
Que je suis vieux ! Perte & Fracas, un webzine old-school ! Bon dĂ©jĂ , j’ai pas les connaissances techniques et artistiques requises pour faire un site super chiadĂ©. Je fais P&F avec une version de Dreamweaver datant de 2000 environ, tu vois le genre. Un jour, je vais sĂ»rement ĂȘtre dans la merde mais tant que ça marche… En mĂȘme temps, j’ai toujours voulu faire un site clair, oĂč il est facile de s’y retrouver sans que le lecteur soit bombardĂ© de centaines d’infos, d’images et en privilĂ©giant bien sĂ»r le fond Ă la forme. Donc oui, rien de trĂšs glamour. Je passe plus de temps Ă Ă©crire qu’Ă faire de superbes animations ou des jeux concours avec des Ă©coutes en exclusivitĂ©… Ce n’Ă©tait pas calculĂ© au dĂ©part mais maintenant, j’aime l’idĂ©e que P&F soit le genre de site oĂč on prend le temps de s’arrĂȘter, se poser, y revenir rĂ©guliĂšrement pour fouiller, dĂ©couvrir au hasard, en dehors des sentiers battus, des modes, de l’actualitĂ© voir un peu hors du temps. J’entends parfois que faire des chroniques ne sert plus Ă grand chose, qu’il suffit de cliquer sur des liens et les personnes peuvent tout de suite Ă©couter Ă quoi ça ressemble, qu’on s’en fout des avis de quelques obscurs scribouilleurs. C’est peut-ĂȘtre vrai. Mais d’abord, avec tous ces milliers de disques qui sortent, les webzines/mags permettent de faire un peu de tri (subjectif forcĂ©ment) pour toutes les personnes qui n’ont pas le temps/l’envie de fouiller. Et surtout, personnellement, j’ai toujours adorĂ© lire sur la musique en gĂ©nĂ©ral mĂȘme celle que je n’apprĂ©cie pas spĂ©cialement, lire ce que peuvent penser d’autres personnes sur des disques, apprendre des choses sur les groupes etc. Je n’ai pas envie que P&F devienne un agrĂ©gateur de news sur les sorties de disques, de liens Bandcamp ou de vidĂ©os Youtube, froid et sans passion avec une note sur 10 pour toute apprĂ©ciation. Parler de musique, c’est important, ça fait partie de tout ce folklore rock que j’adore. Ya quelque chose d’humain derriĂšre tout ça qui me touche, c’est l’envie d’aller un peu plus profondĂ©ment dans cette sensation que procure la musique, se demander pourquoi tel disque nous retourne, nous fait cet effet lĂ , en quoi ça nous parle, ça donne un peu comme un support consistant Ă la musique, une mĂ©moire qui va rester, une mystique sur la musique qu’il est important d’entretenir.
C’est pour ça aussi qu’il me faut le disque entre les mains pour en parler et que je prends en photo toutes les pochettes. Montrer que y’a des gens derriĂšre tout ça, des musiciens, des ingĂ©nieurs sons, des dessinateurs etc… qui prennent du temps, bossent, se donnent un mal de chien pour faire des disques, des visuels, des objets parfois trĂšs beaux. La musique, ce n’est pas du MP3 et des jpg ! Donc oui, je continuerais d’Ă©crire, Ă©crire et Ă©crire encore parce que pour moi, c’est le meilleur moyen pour dire Ă quelqu’un d’Ă©couter un disque, lui faire partager ton envie et de communiquer ta passion.

120 chroniques de Perte & Fracas
Ton Ă©criture est vraiment personnelle et ta façon trĂšs imagĂ©e de parler de la musique est parfois presque plus captivante que lâĂ©coute des disques mĂȘme. Ecris-tu Ă dâautres occasions que Perte & Fracas ? As-tu dĂ©jĂ Ă©crit pour des magazines ? Est-ce quâon te lâa proposĂ© ?
Merci pour ta remarque sur l’Ă©criture mais le plus beau commentaire qu’on puisse faire pour P&F, c’est « merci de m’avoir fait dĂ©couvrir tel disque ou tel groupe » et non pas sur la façon dont c’est Ă©crit. L’Ă©criture n’est qu’un moyen de rendre tout ça pas trop dĂ©sagrĂ©able, c’est secondaire. Et les mots, les images que tu utilises, les sentiments, les Ă©motions que l’Ă©coute d’un disque te procure, la façon dont tu tournes tout ça ne sont qu’une partie de la donne. Les infos que tu vas fournir, la connaissance du groupe et surtout l’esprit critique sont encore plus importants. L’essentiel dans un zine, c’est de donner envie aux personnes d’Ă©couter tel ou tel disque, pas de se faire mousser pour son Ă©criture sinon faut arrĂȘter tout de suite et Ă©crire un roman ou je ne sais quoi et perso, je n’ai strictement aucune envie de ce cotĂ© lĂ et encore moins les capacitĂ©s. Comme je disais dans la 1Ăšre rĂ©ponse, n’importe qui peut Ă©crire des chroniques, il suffit de s’appliquer un minimum. Le reste, c’est de l’entraĂźnement et de la persĂ©vĂ©rance. Comme dit une pub pour je ne sais plus quelle marque de sport et sa pratique, le plus dur, c’est pas de s’y mettre, c’est de s’y tenir ! Je n’Ă©cris donc que pour P&F. J’ai Ă©crit 2,3 chroniques pour un magazine qui n’existe plus depuis 2004, ça s’appelait l’Oeil Ă©lectrique (fait notamment par le gars dont le nom de scĂšne est dĂ©sormais John-Harvey Marwanny). Paquito Bolino m’avait demandĂ© aussi d’Ă©crire un truc pour un zine qu’il voulait sortir y’a fort longtemps mais je crois que tout ça est tombĂ© Ă l’eau. C’est tout si je me rappelle bien et on ne m’a jamais rien proposĂ© sinon.

Outre le plaisir dâĂ©crire, quâest-ce que le webzine tâapporte ?
Euh, le droit de rĂ©pondre Ă des interviews ? Franchement, j’ai toujours envisagĂ© et fait P&F dans le but tout simple de faire connaĂźtre des groupes que j’aime, prĂ©sents ou passĂ©s, Ă d’autres personnes. La musique et rien que l’amour de la musique (c’est beau hein ?!). Je n’ai jamais rien attendu en retour. Maintenant, Ă part quelques disques gratos (pas assez Ă mon goĂ»t et surtout pas ceux que je voudrais !), des liens de tĂ©lĂ©chargement (beaucoup trop !) pour avoir l’immense privilĂšge d’Ă©couter les disques avant leur sorties, une reconnaissance inter-planĂ©taire toujours apprĂ©ciable et la rencontre de quelques personnes sympathiques (pas trop quand mĂȘme hein), P&F, c’est bon pour mon Ă©quilibre quotidien (y’a du boulot !), une sorte de refuge, d’Ă©chappatoire Ă la dure et impitoyable rĂ©alitĂ© de la vie, un monde personnel dans lequel je glisse des choses intimes bien que faire dĂ©couvrir des disques restent le but ultime. Je fais ça naturellement, sans me forcer, en prenant beaucoup de plaisir, sans rĂ©flĂ©chir Ă tout ce que ça entraĂźne. J’ai commencĂ© P&F (et Sonik avant) pour moi mĂȘme d’abord parce que je sentais que j’avais besoin de parler de musique – et je ne pourrais pas l’expliquer – il faut que je parle de tous ces disques que j’adore et ensuite de plus en plus, pour le partage en espĂ©rant que d’autres personnes soient satisfaites que P&F existe. Certains collectionnent les timbres ou se passionnent pour la pratique de la danse country. Moi c’est Ă©crire sur le rock’n’roll !
Perte & Fracas, ça a aussi Ă©tĂ© un label, celui dâun disque The perturbation theory de Moller-Plesset. Peux-tu nous en dire un mot ? Y avait-il lâidĂ©e de sortir dâautres disques ?
C’est surtout une histoire de potes qu’on avait envie de soutenir et d’aider. Ăa a commencĂ© avec leur 1er album Rather Drunk Than Quantum que nous avons sorti avec KFuel. AprĂšs j’ai continuĂ© l’aventure tout seul quand j’ai crĂ©e Perte & Fracas et publiĂ© The Perturbation Theory. J’avais dans l’idĂ©e de sortir plein d’autres disques, de me lancer dans l’aventure du label mais ça s’est jamais fait. DĂ©jĂ parce que The Perturbation Theory s’est trĂšs mal vendu (il reste toujours des exemplaires, demandez Ă Moller, je leur ai tout filĂ© !), j’ai perdu des thunes (le syndrome Sonik…) et plus sĂ»rement, je crois que j’avais pas rĂ©ellement la motivation pour continuer. Si vraiment on a un truc qui tient Ă coeur, on trouve toujours les moyens – financier, le temps etc – pour le faire, on dĂ©passe les contraintes, on s’implique vraiment et ça n’a jamais Ă©tĂ© le cas… Perte & Fracas, un label mort-nĂ© mĂȘme si on sait jamais sur un coup de coeur…
Plus de question⊠AH SI ! Si Jesus Lizard passe en France en 2019, tu iras les voir ? Et en 2029 ?
Je vois que tu connais ma passion pour Jesus Lizard… La derniĂšre fois que je les ai vu, c’Ă©tait Ă Rennes Ă l’Antipode avant la sĂ©paration, la premiĂšre avant les nombreuses reformations pour des tournĂ©es. Je n’en garde pas un bon souvenir. Le batteur Mac McNeilly n’Ă©tait plus lĂ , c’Ă©tait mĂȘme pas Jim Kimball mais un obscur besogneux et on sentait que c’Ă©tait la fin, un concert de routine. Mais tous les Ă©chos de leurs multiples reformations sont bons donc s’ils repassent Ă Rennes, je ne pourrais pas m’empĂȘcher d’aller les voir mais je ferais pas des centaines de kilomĂštres non plus. Je prĂ©fĂšre rester avec mes vieux et beaux souvenirs comme la premiĂšre fois que je les ai vus Ă Bruxelles puis Paris (au Gibus !) le lendemain, c’Ă©tait entre Goat et Liar. A ce moment lĂ , je comptais pas les kilomĂštres pour les voir !! Et en 2029, je serai gĂąteux, sourd ou mort. Mais moins qu’eux.
*Oui, il en existe. En faisant une simple recherche internet, on tombe sur le’site de l’irremplaçable fanzinothĂšque de Poitiers oĂč on trouve un lien vers le troisiĂšme rĂąle de SONIK ainsi que vers pleins d’autres fanzines gĂ©niaux de l’Ă©poque : Positive rage, Tranzophobia, Peace warriors, etc.
PS L’illustration en entĂȘte de cette interview est celle de l’insert du LP « Dig out the switch » de Dazzling killmen, autre groupe chouchou des pages de SONIK/Perte & Fracas..
>>>>>>>>>> PERTE & FRACAS





















