Printemps noise ! part 1 (The dawn, Deveikuth, It it anita, Frustration, Catalgine, Nevraska)

C’est le printemps noise ! En Haute-Savoie, il n’y a pas que des pentes enneigĂ©es et des gilets jaunes en Audi, il y a aussi des concerts qui dĂ©fouraillent. Retour en images sur quelques moments forts de la saison. Non… j’ai dit ça ?

On commence par un show Ă  GenĂšve, toute proche : The Dawn et Deveikuth Ă  la Makhno. Deux groupes bien obscurs que Drone to the bone est allĂ© cherchĂ© dans les trĂ©fonds de l’underground marseillais.

T-Shirts rigolos  – dont celui du chanteur Ă  l’effigie de Rorcal, clin d’oeil au patron ? – mais power-violence chaotique jouĂ© avec fougue pour The Dawn qui fait pas rigoler du tout. C’est lourd ? Rapide ? C’est le troisiĂšme morceau ou le dix-septiĂšme?

Avec un morceau intitulĂ© « I bet you like Botch, bitch », on pouvait s’attendre Ă  ce genre de correction. Le groupe existe depuis 10 ans, a sorti plusieurs albums et faisait ici son dernier concert avec son chanteur/hurleur. Sortie avec les honneurs.

On retrouve le bassiste de The Dawn dans Deveikuth, mais derriĂšre les fĂ»ts. Plus question de blasts et de morceaux pieds au plancher ici car il s’agit de Funeral doom. Eh oui, c’Ă©tait mon premier concert de Funeral doom ! Peut-ĂȘtre bien que vous vous demandez ce que c’est. Eh bien, une sorte de doom minimaliste bloquĂ© sur des tempos ultra lents.

Invocations caverneuses dĂ©chirantes, effet de trance hallucinĂ©e. Bon enfin, on sent le temps passer quand mĂȘme au bout d’un moment. Ah le concert est fini ? OK, c’Ă©tait le moment.

Passons sans transition aux Belges de It it anita, qui jouaient  au Club du Brise-Glace mercredi 13 mars – c’est-Ă -dire le mĂȘme soir que Zu Ă  genĂšve, y’a des jours comme ça… –  dans le cadre du festival Hors-Pistes. MĂȘme qu’il y avait du monde. Et un premier groupe aussi, que je n’ai pas vraiment vu.

Par contre, It it anita pas question d’en perdre une miette. Ouverture du concert tout en larsens et dĂ©jĂ  c’est beau. Disposition atypique du groupe sur scĂšne – les deux guitaristes et la paire basse-batterie se faisant face, de profil par rapport au public. Un concert tonitruant oĂč tu avais parfois vraiment l’impression de te retrouver Ă  la grande Ă©poque de la  Jeunesse sonique – pĂ©riode Goo ou quelque chose comme ça – tant le groupe maĂźtrise ses envolĂ©es noise. Ce en quoi ils sont un peu les cousins de A Shape, autres hĂ©ritiers Sonic youthiens, mais parisiens.

Les deux chants trĂšs travaillĂ©s savent aussi ciseler de chouettes mĂ©lodies et d’ailleurs ce serait idiot de rĂ©duire ce groupe Ă  cette influence tant ils sautent d’un registre Ă  l’autre avec naturel.

Le final sauvage dans la fosse a mis tout le monde d’accord : ce groupe est gĂ©ant. Et je crois bien qu’on devrait en entendre parler dans pas trop longtemps, du cĂŽtĂ© du Poulpe Ă  l’automne prochain pour ĂȘtre plus prĂ©cis. Hmm, vous savez ce qu’il vous reste Ă  faire.

Le Poulpe justement, oĂč jouait Frustration le 30 mars dernier.  Y’a des groupes, c’est comme si tu Ă©tais maudit et que chaque fois qu’ils jouent quelque part, il y a un empĂȘchement. Ca a Ă©tĂ© le cas pendant un bout de temps avec Frustration donc ce concert Ă©tait un peu comme une revanche.

Un DJ, deux ou trois gars qui dansent et font les cons devant – tiens c’est le groupe. Eh ben, ils ont l’air en forme. Les Ă©chos du concert de la veille Ă  Cave 12 avec UsĂ© sont pourtant moyens. Assez froid, fatiguĂ©s peut-ĂȘtre. Mais ce ne sera absolument pas le cas ce soir : le groupe enfile ses tubes post-punk comme des perles. AprĂšs un dĂ©but plutĂŽt cool, le groupe enchaĂźne les morceaux plus lourds ou plus expĂ©rimentaux. Leur post-punk de connaisseur donne l’impression de voyager dans le temps, de revisiter des pĂ©riodes, des styles, avec toujours ce cĂŽtĂ© Ă  la fois martial, raide, mais aussi dansant qui caractĂ©rise ce style plus Ă  la mode que jamais. Inusable.

C’est un Frustration joyeux, enjouĂ© qu’on verra au Poulpe. MĂȘme le chanteur – qui n’a pas la rĂ©putation d’ĂȘtre toujours trĂšs communicatif – est hilare. Mais la palme revient au bassiste. Pour une raison que je n’ai pas trĂšs bien saisie, il avait fait le trajet depuis GenĂšve Ă  pied, avec une bouteille de pastis pour seul ravitaillement. RĂ©sultat, il est dĂ©chainĂ©, casse ses cordes, prend la parole Ă  tort et Ă  travers. Le set prend des allures absolument hilarantes. Il  donne l’impression de vouloir se battre avec la totalitĂ© du public. C’est le bordel, tout le monde se marre, danse et ceux qui s’amusent le plus, ce sont certainement les Frustration. Superbe.

On finit avec Catalgine et Nevraska au cafĂ© de Chateau-rouge le 27 avril (on est jamais mieux servi que par soi-mĂȘme, hein). Concert dont la prĂ©paration fiĂ©vreuse aura d’ailleurs empĂȘchĂ© d’aller voir Alabaster et Noiss au Brise-Glace. Dommage.

Un chouette concert en ce qui nous concerne, devant un public restreint mais chaleureux. Faut dire qu’il y avait de la concurrence ce soir-lĂ  et aussi que ces soirĂ©es, pourtant gratuites et tournĂ©es vers la scĂšne locale, peinent un peu Ă  faire recette. A tel point que Julien – pourtant un enjailleur de premier ordre tout dĂ©vouĂ© Ă  la cause – jetterait l’Ă©ponge. Faut faire quelque chose.

C’Ă©tait  surtout le plaisir de revoir Nevraska aprĂšs une assez longue pĂ©riode sans concert, durant laquelle Kick a pris la place de Cyril devenu parisien. Ils ouvrent avec Kollapse, morceau gĂ©nial Ă  Ă©couter absolument, un de mes morceaux favoris du duo. Ca part donc bien. Alternent ensuite titres connus et cinq nouveaux morceaux. A part un passage Ă  effet Ă©lectro/boĂźte Ă  rythmes assez frappant, difficile de se faire une idĂ©e sur un seul concert, mĂȘme si on retrouve souvent ce noise-rock swinguant et survoltĂ© qui est la marque de fabrique du groupe. Blues-punk power !

Le nouveau batteur a un jeu plus ramassĂ© que Cyril et ramĂšnera peut-ĂȘtre le duo vers quelque chose de plus brut, qui sait ? A vĂ©rifier lors des prochains concerts, par exemple le 15 juin avec les excellents Tuco aux Tilleuls. En attendant un prochain enregistrement. Comme il se doit Ă  Chateau-rouge, tout ça s’est terminĂ© en karaokĂ© post-hardcore entre gens gentils, copieusement arrosĂ© de biĂšres artisanales. Tu veux quoi d’autre ?

>>>>>>>>>> THE DAWN

>>>>>>>>>> DEVEIKUTH

>>>>>>>>>> IT IT ANITA

>>>>>>>>>> FRUSTRATION

>>>>>>>>>> CATALGINE

>>>>>>>>>> NEVRASKA

« From Italy / with noise » (Thee Sweeders, Sloks – Bistro des tilleuls, 22 fĂ©v.)

C’Ă©tait le 22 fĂ©vrier dernier – dĂ©jĂ  – au Bistro des Tilleuls et c’Ă©tait le grand retour de Sloks, le sauvage trio turinois qui, au fil de leurs incursions de ce cĂŽtĂ©-ci des Alpes, sont devenus des habituĂ©s, puis des copains.

Ce sont les locaux de Thee Sweeders qui faisaient office de premiĂšre partie. Si tant est qu’on accorde un quelconque crĂ©dit Ă  ce genre de conneries.

Sauf que, pour eux, chauffer la salle signifie sans doute faire transpirer jusqu’aux nĂ©ons. Rock’n roll haletant, avec une touche sixties apportĂ©e par l’orgue strident d’Olive, mais aussi un cĂŽtĂ© garage et sale avec les grosses guitares de Slim.

Gilles a rejoint le groupe au chant pour de bon, pas juste sur la poignante reprise du Gun club. Le quintet a enregistrĂ© des morceaux donc il y aura peut-ĂȘtre du nouveau dans un avenir proche.

Il n’y a rien de mieux que les groupes qu’on dĂ©couvre par hasard, au dĂ©tour d’un festival ou autre, et dont la musique vous capte malgrĂ© vous alors qu’on ne s’y attend pas. Et c’est exactement ce qui m’est arrivĂ© avec Sloks. Avec deux concerts incendiaires Ă  la Spirale et un premier album qui rĂ©ussissait le tour de force de capter la folie pĂ©taradante du trio, autant dire qu’ils Ă©taient attendus de pied ferme.

Pas de Peter Chopsticks derriÚre les fûts cette fois-ci, forcé de rester à Turin, mais un batteur de remplacement métronymique qui faisait plus que le job. Et il ne faut pas bien longtemps pour que la folie Sloks infuse.

Guitare crĂ©pitante qui sent la braise, bloquĂ©e sur un monoriff qui leur vaut l’adjectif « no-wave ». ChevauchĂ©es rythmiques binaires et sauvages immuables. Et la crise de nerfs vocale non-stop orchestrĂ©e par Ivy Claudy – dont j’avais jamais rĂ©alisĂ© Ă  quel point elle a quelque chose de typiquement italien. Ce groupe a juste trouvĂ© la formule exacte pour dĂ©brancher le cerveau. Et je ne suis pas le seul atteint, si j’en crois la transe Ă©pileptique incontrĂŽlable qui en saisit certains dans le public.

L’intĂ©gralitĂ© de l’album y passe, plus quelques autres tubes inflammables. L’aprĂšs concert est l’occasion de prendre quelques nouvelles. AprĂšs un concert avec John Spencer – qui voulait les emmener en tournĂ©e – le trio part sur la route du sud de la France et de l’Espagne.

Il est plus que temps que le monde découvre Sloks !

PS Les photos d’Olive Lowlight/Sweeders, qui rendent bien compte de la folie du concert, sont visibles ici.

 

>>>>>>>>>> THEE SWEEDERS

>>>>>>>>>> SLOKS

« Coucou chaos ! » (Michel Anoia, Dead Kiwis – Brise-Glace, 20 fĂ©v.)

Retour rapide. Rembobinage de la cassette. C’Ă©tait le 20 fĂ©vrier, au sous-sol du Brise-Glace, la salle de musiques actuelles d’Annecy. Petite salle et scĂšne dite « club », qui a l’excellente idĂ©e d’ouvrir rĂ©guliĂšrement ses portes aux groupes, locaux ou presque, qui tournent, enregistrent, existent dans l’ombre, parfois dans une relative indiffĂ©rence, mais qui en rĂ©alitĂ© sont le sang de la scĂšne.

Deux formations lyonnaises ce mercredi-là. Michel Anoia, formation plutÎt confidentielle qui a sorti un album il y a quelques années. Assise Death/Grind bétonnée, lézardée de breaks incongrus, parsemée de dissonnances sauvages, ludiques et subliminales.

Un ensemble bien technique et chaotique, avec un son massif mais légÚrement lo-fi qui reppelait un peu les Stéphanois de Rupturr.

Dead Kiwis ont déjà plusieurs disques à leur actif et enchaineront sur une tournée anglaise dans les semaines qui suivront ce concert.

Toute l’esthĂ©tique de groupe tourne autour du kitsch des annĂ©es 80. NĂ©ons, petite intro façon gym tonic, le bassiste ose mĂȘme le collant fluo. Les voir sur scĂšne c’est un peu comme regarder un Ă©pisode de X-Or ou de Goldorak : le groupe projette ses rayons gamma Ă  vitesse supersonique. Murs de riffs mĂ©talliques infranchissables. Breaks chaotiques vitesse grand V. Rafales de blasts qui laissent tous les mĂ©chants par terre.

Lourd, ultra rapide, chaotique. Dead kiwis fait tout en un seul morceau et en moins de deux minutes. Relents de Botch. Ceux qui étaient là savent.

>>>>>>>>>> MICHEL ANOIA

>>>>>>>>>> DEAD KIWIS

« Comme un poison dans l’eau » (Viagra boys – piscine du Lignon, 6 fĂ©v.)

Chaque annĂ©e, le festival Antigel lutte Ă  sa façon contre l’engourdissement hivernal qui s’empare de GenĂšve en distillant une programmation pointue mais oĂč chacun ou presque peut trouver chaussure Ă  son pied. En marge d’évĂ©nements plus prestigieux, le concert Ă  la piscine du Lignon fait figure de soirĂ©e dĂ©lurĂ©e oĂč la tempĂ©rature monte de maniĂšre dĂ©raisonnable, comme c’était le cas en 2018 avec Idles et cette annĂ©e avec les suĂ©dois de Viagra boys.

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Il n’est pas certain que tous les groupes auraient Ă©tĂ© Ă  l’aise avec l’idĂ©e de jouer dans une piscine. Sur le bord de la piscine, pour ĂȘtre prĂ©cis – et non, on n’est pas obligĂ© de se baigner ou d’ĂȘtre en maillot de bain, juste pieds nus. C’est plutĂŽt amusant pour le public en goguette qui se presse devant la scĂšne ou pique une tĂȘte en attendant le concert mais un peu particulier, tant au niveau du son que du cadre.

Mais les Viagra boys n’en ont clairement rien Ă  secouer. La loose et l’auto-ironie, le groupe suĂ©dois en a fait sa marque de fabrique*. Post-punk de camping, disco frelatĂ©, Ă©lectro tournĂ© Ă  l’aigre. Avec Sebastian Murphy en tĂȘte de gondole, crooner amĂ©ricano-suĂ©dois dĂ©jantĂ© et tatoueur de son Ă©tat. Ventre Ă  l’air et lunettes noires, tous tatouages dehors, il promĂšne son personnage de loser noctambule, Ă©ructe une soul rauque et titubante qui rappelle parfois les pĂ©riodes les plus expĂ©rimentales des Clash et se prĂ©cipite dans l’eau Ă  plusieurs reprises durant le set.

Le personnage attire Ă  lui les regards mais, derriĂšre, son bad boys band — qui contient une fille aux synthĂ©s et percussions — projette impeccablement sa bande-son hypnotique. Boucles de basses abrasives, batterie mĂ©tronymique, gimmicks de synthĂ©tiseurs et guitares stridentes. À peine troublĂ©e par les incursions Ă©clairs d’un saxo qui apporte une touche no-wave Ă  l’ensemble.

L’écho naturel du lieu attĂ©nuait un peu le mordant de leur musique, mais les Viagra boys c’est un groupe tout-terrain qui la joue au talent et s’en tire avec panache. On en sort moites et contents.

*Il n’y a qu’à regarder leur Shrimp session, concert filmĂ© dans un hangar pendant les heures de travail, pour s’en convaincre.

PS Les supers photos sont de Amdo. Merci.

>>>>>>>>>> VIAGRA BOYS

 

 

« Plus que de la musique » (Les punks sportifs, Guerilla poubelle – Le Poulpe, 2 fĂ©v.)

Plein de monde pour ce concert organisĂ© par les copains de la Tribu sonore. Tant mieux ! Des jeunes, de la danse, du pogo, de la sueur et de la bonne humeur. A tant frĂ©quenter des soirĂ©es obscures, on oublie presque que ça peut ĂȘtre aussi ça la musique.

En parlant de bonne humeur, les Punks sportifs assurent la premiĂšre partie. Punks peut-ĂȘtre, sportifs c’est possible – Ă  vĂ©rifier nĂ©anmoins -, mais qui envoie sympathiquement en tous cas. Leurs morceaux rigolards et enragĂ©s rappellent plutĂŽt le rock alternatif français des annĂ©es 80, Garçons bouchers et compagnie, et ouais !

Guerilla poubelle est un groupe qui a sacrĂ©ment marquĂ©, le groupe phare des annĂ©es d’adolescence pour beaucoup. C’est pas mon cas  – et pour cause – mais  Ă  les voir en live, on comprend immĂ©diatement. Avec plus de 1000 concerts au compteur, le punk-rock leur coule littĂ©ralement des doigts. Breaks millimĂ©trĂ©, accĂ©lĂ©rations pied au plancher, refrains imparables et mĂ©lodies gorgĂ©es d’Ă©motion, avec cette voix beuglĂ©e reconnaissable entre mille. Le groupe use de toutes les ficelles qui ont fait le punk-rock, le pop-punk, le hardcore mĂ©lodique et j’en passe, depuis un paquet d’annĂ©es.

Mais c’est autant par son attitude et ses choix que pour sa musique que ce groupe est marquant et ça se ressent parfaitement pendant le concert. Ultra chaleureux mais aussi concernĂ© et politisĂ©, Till – le chanteur – n’hĂ©site pas Ă  s’exprimer, prendre Ă  partie le public – pas en donneur de leçons mais en tant que membre d’une scĂšne, d’un mouvement.

Sur les tables de distro, on se rend compte que le groupe ne se contente pas de faire sa propre promotion mais emmĂšne toute une scĂšne avec lui. Des bacs remplis jusqu’Ă  la gueule de toute une ribambelle de groupes punk et indĂ©pendants, ceux sortis sur leur label, Guerilla asso, ou sur d’autres labels. Je mate ça pendant que les gens prennent leur pied devant la scĂšne. C’est classe. Le punk-rock mĂ©lo n’est pas forcĂ©ment la musique avec laquelle je me sens le plus d’affinitĂ©s mais je donnerai beaucoup pour voir davantage de concerts avec cette attitude et cette ambiance.

>>>>>>>>>> LES PUNKS SPORTIFS

>>>>>>>>>> GUERILLA POUBELLE

>>>>>>>>>> GUERILLA ASSO

 

« Au firmament du bourrinage » (Deathcode society, CĂ©leste – Brise-Glace, 19 janv.)

La rĂ©putation et l’aura sombre qui entoure CĂ©leste poussait Ă  passer les portes du Brise-Glace ce samedi-lĂ , ne serait-ce que pour faire l’expĂ©rience de ce groupe Ă  la dĂ©marche radicale. Public assez nombreux mais sans plus – Ă©tonnant dans une rĂ©gion oĂč tout le monde est fan de Converge, la faute peut-ĂȘtre Ă  un prix qu’Ă  moitiĂ© convivial. Le set des lyonnais, en tous cas, s’est rĂ©vĂ©lĂ© d’une puissance et d’une lourdeur inouĂŻes. Bon sang, j’en ai encore des frissons.

En ouverture, Deathcode society, sorte de black metal narratif et Ă©vocateur. Ambiances mĂ©diĂ©vales Ă  la Dead can dance et murs de blast et de guitares plombĂ©es. Certainement pas mauvais mais pas exactement mon truc, les costumes et ces ambiances armĂ©es d’orques qui dĂ©valent les montagnes pour attaquer le chĂąteau du roi, ça me rappelle toujours le jour oĂč je me suis fait coincĂ© dans une soirĂ©e jeux de rĂŽle Ă  la fac. C’est arrivĂ© qu’une fois. Par contre, est-ce qu’ils mĂ©ritaient ce son en carton-pĂąte, inoffensif au possible ? C’Ă©tait un choix de leur part, se faire passer pour un groupe de lounge new-wave cotonneux ?

Bloc d’une lourdeur hallucinante, Ă  peine tempĂ©rĂ©e par quelques inflexions plus aĂ©riennes qui ne font que dĂ©ployer encore davantage une pesanteur sans nom. L’agression sonore de CĂ©leste ne laisse pas une seconde de rĂ©pit. Cherche le sang. Garde les crocs plantĂ©s du dĂ©but jusqu’Ă  la fin sans jamais desserrer son Ă©treinte.

Post-harcore suffocant. Black-mĂ©tal malade d’agressivitĂ© et de noirceur. Des coups dĂ©cisifs plutĂŽt qu’une vaine poursuite de l’ originalitĂ©. Fondu dans la masse, coulĂ© dans le bĂ©ton. Et l’intensitĂ© Ă©motionnelle folle de la voix, qui fait beaucoup pour la personnalitĂ© unique de ce groupe et rappelle le passĂ© hardcore de certains de ses membres. Elle Ă©voque d’ailleurs un des tous premiers groupes de hardcore hurlĂ© français – vous pouvez dire « screamo » si vous parlez playmobil – : Finger print, qui apparaĂźt presque comme un ancĂȘtre de ce crossover black/hardcore.

Les lampes frontales rouges sur scĂšne dans la quasi obscuritĂ©, les pochettes soignĂ©es et Ă©nigmatiques, le torrent de dĂ©sespoir absolu charriĂ© par les paroles : au contraire de 95% des groupes, qui devraient juste arrĂȘter de se prendre en photo dans des poses risibles et d’encombrer les scĂšnes de leurs panneaux publicitaires, tout, dans l’esthĂ©tique radicale de CĂ©leste, touche au coeur (de pierre), interroge, marque l’esprit au fer rouge.

Etoile filante du bourrinage, Céleste.

Photos de Alain Grimheart, merci Ă  lui.

>>>>>>>>>> DEATHCODE SOCIETY

>>>>>>>>>> CELESTE

 

« Jeudi noise » (Black Mont-Blanc, Videoiid – Tilleuls, 6 dĂ©c.)

VirĂ©e aux Tilleuls un jeudi soir. ArrivĂ© Ă  l’arrache mais assez tĂŽt pour passer un moment avec les groupes de la soirĂ©e. Alors qu’on avait prĂ©vu de les faire jouer tous deux ce soir, on a eu la surprise d’apprendre que les batteurs respectifs des deux groupes se connaissaient et avaient mĂȘme jouĂ© ensemble Ă  une Ă©poque ! La soirĂ©e part sous de bons auspices. Frank raconte sa tournĂ©e en autonomie en Russie, du nord jusqu’Ă  la CrimĂ©e avec son projet solo Sheik anorak. Ca ferait un tour report d’enfer !

Il y a dĂ©jĂ  un public assez nombreux – pour un jeudi – lorsque commence le concert de Black Mont-Blanc. Faut dire que le trio comporte la section rythmique des Don caballero locaux – We are the incredible noise – et qu’en plus ce groupe dont on compte les concerts sur les doigts de la main jouait pour la premiĂšre fois Ă  Annecy, il me semble bien.

Probablement à cause du son, leur musique fait une impression moins violente, moins rentre-dedans que lors de leur prestation au Poulpe. Post-hardcore technique, en ébullition. Voix gueulée qui se débat dans ses entrailles. Basse retorse, perverse, qui cherche le point de faiblesse, de rupture.

Quelques moments qui respirent davantage mais le trio ne laisse guĂšre de repos au public et son set punitif le laisse pantelant, avec toujours l’envie lancinante d’en entendre plus. Quand sortiront-il quelque chose ? Un jour, peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre.

Le deuxiĂšme trio de la soirĂ©e, Videoiid donc, est un groupe plutĂŽt groupe rĂ©cent formĂ© par Frank, lyonnais exilĂ© Ă  Göteborg, et Arvind et Sara, deux musiciens suĂ©dois. Ils n’ont pas tant tournĂ© en France que ça et viennent de sortir leur premier EP, donc c’Ă©tait plutĂŽt cool de les recevoir ce soir-lĂ  aux Tilleuls

Punk dissonant, tribal, hypnotique. Gerbes de guitares qui déraillent. Sur scÚne, la musique de Videoiid est en éruption continue et leur set court mais intense fait une impression plus urgente, plus primaire encore que sur leur enregistrement.

Ou peut-ĂȘtre que c’Ă©tait un de ces moments spĂ©ciaux oĂč il se passe quelque chose, puisque le groupe lui-mĂȘme nous racontera aprĂšs que ce concert Ă©tait pour eux particuliĂšrement rĂ©ussi. En tous cas, il laissera sa marque dans nos cerveaux sidĂ©rĂ©s, de mĂȘme que cette excellente soirĂ©e qu’on prolonge par une interview Ă  paraĂźtre trĂšs bientĂŽt.

>>>>>>>>>> BLACK MONT-BLANC

>>>>>>>>>> VIDEOIID

>>>>>>>>>>BISTRO DES TILLEULS

« Le rock’n roll dans les veines » (Lydia Lunch / Big Sexy Noise – Théùtre de l’Usine, 19 nov.)

 

 

Le truc fou avec Lydia Lunch, c’est que je suis persuadĂ© de l’avoir dĂ©jĂ  vue, quelque part Ă  la fin des annĂ©es 90, dans un cafĂ© Ă  Londres, je crois. Ca devait ĂȘtre une lecture, mais j’en ai absolument, mais alors absolument, aucun souvenir. J’ai dĂ» y aller un peu comme ça, Ă  l’Ă©poque, bon bref, cette fois c’est avec beaucoup de curiositĂ© qu’on a pris nos places pour ce concert qui se dĂ©roulait au théùtre de l’Usine – pas du tout une salle avec des places assises comme je le craignais mais quelque chose qui ressemblait plutĂŽt bien Ă  une salle de rock. Nickel.

MĂȘme pas encore montĂ©e sur scĂšne que le show de Lydia commence. Elle blague avec le public, des connaissances peut-ĂȘtre ou des inconnus. A l’aise, on sent la bĂȘte de scĂšne, en toute simplicitĂ©. Et puis on est quand mĂȘme venue voir Lydia Lunch, icĂŽne punk/no-wave, auteure et performeuse sulfureuse, Ă©gĂ©rie de la scĂšne underground new-yorkaise depuis des lustres. Le public est composĂ© de gens de tous Ăąges mais il est chaud. Il veut Lydia et il veut du show.

Je trouvais un peu gonflĂ© d’appeler son groupe Big Sexy Noise. Big sexy noise, ça va, tu te la racontes pas un peu, lĂ  ? Mais en fait, peu Ă  peu, j’ai compris. La musique de ce groupe a vraiment quelque chose de sexuel. Mais d’abord, faut quand mĂȘme dire un mot sur le groupe – parce qu’on parle sans arrĂȘt de Lydia Lunch mais les deux autres, c’est pas n’importe qui. D’abord, il y a James Johnston, c’est le guitariste de Gallon drunk mais aussi des Bad seeds de Nick Cave et Faust sans compter toutes les collaborations hallucinantes, hein. Et puis, il y a Ian White, batteur des Gallon drunk aussi. Donc, quelque chose de sexuel, je disais. Ouais. Un son sale et chaud et dĂ©vergondĂ© Ă  la Stooges. Des accords bluesy plaquĂ©s crĂąnement, rien en trop, du grand art. L’incroyable James Johnston qui tombe Ă  la renverse sur la scĂšne comme s’il avait vingt ans, comme Nick Cave ne le fera jamais plus. La batterie primaire et vibrante, qui est lĂ  pour cogner, pour te rentrer dedans et pas autre chose. Le putain de rock’n roll au bout des doigts, la classe mais la classe absolue, quoi.

Et puis Lydia. Selon les morceaux, son chant oscille entre spoken-word mordant, imprĂ©cations rageuses et des passages chantĂ©s aussi, oĂč tout Ă  coup elle a une grĂące et que j’ai trouvĂ©s vraiment beaux. Lydia Lunch, elle a presque 60 ans mais elle est tellement naturelle et libĂ©rĂ©e sur scĂšne que parfois tu la vois Ă  20 ans. Tu la vois vraiment et il y a quelque chose d’extrĂȘmement touchant lĂ -dedans.

Et tu comprends un peu pourquoi elle a passĂ© sa vie Ă  faire ça, monter sur scĂšne et mettre en scĂšne l’ordure et la dĂ©gradation Ă  sa maniĂšre provocante, pour en faire de l’art. Une forme d’art, en tous cas. Une façon d’affirmer et de prouver qu’elle est vivante, plus vivante que jamais.

 

« Frana-tic » (Frana, Black widow’s project – Blackened tattoo studio, 3 nov.)

Initialement prĂ©vu dans le shop d’Urgence disk, ce concert s’est finalement dĂ©roulĂ© au studio de tatouage en face ou presque. Les italiens de Frana dĂ©barquent 30 mins avant le dĂ©but des hostilitĂ©s – surpris comme tout le monde par le traffic genevois de fin d’aprem. DĂ©ballage fissa du matos, petit line-check, go !

De toute façon, le punk-rock pied au plancher de Frana semble fait pour ça. S’entasser dans un kangoo, faire des bornes jusqu’Ă  plus soif, poser son matos et balancer la sauce, s’Ă©craser dans un duvet quelque part puis recommencer. Il y traĂźne comme un air de libertĂ©, quelque part entre punk, noise syncopĂ©e et quelque chose de plus mĂ©lodique, avec notamment Ă  la chouette voix de Luca – qui Ă©voque des pionniers du post-hardcore. HĂŒsker-dĂŒ peut-ĂȘtre.

La configuration de la salle est un peu curieuse, toute en longueur avec cette partie surĂ©levĂ©e qui fait office de scĂšne mais qui Ă©loigne un peu le groupe du public mais on s’en fout, c’est gĂ©nial. Et puis, avec les peintures cyber-mĂ©tal façon HR Giger qui tapissent les murs jusqu’au plafond, le lieu a comme une ambiance.

Le concert passe vite. On se retrouve au shop de Dam pour une super bouffe vĂ©gĂ©tarienne, au milieu des disques – la grande classe. On fait mieux connaissance avec les italiens qui dormiront Ă  la maison ce soir. Blagues, anecdotes, connaissances communes. MalgrĂ© l’organisation pratique pas toujours facile  – les membres du groupes n’habitent pas dans la mĂȘme ville -, ils gardent une vraie motivation et envie de crĂ©er de la musique. « Je peux pas concevoir ma vie autrement, de toute façon », dit Luca. La semaine suivante, ils jouent avec Hot snakes Ă  Milan. Chouette rĂ©compense.

Black widow’s project

La soirĂ©e s’enchaĂźne sans temps mort avec le concert de Black widow’s project, des genevois qui font le truc stoner Fu manchu/Foo fighters, les sons de Herr Liebe et un atterrissage en douceur au Poulpe pour profiter un peu de la fin de la soirĂ©e hip-hop noise qui s’y dĂ©roulait et continuer la discussion jusqu’Ă  tard dans la nuit.

>>>>>>>>>> FRANA

>>>>>>>>>> BLACK WIDOW’S PROJECT

>>>>>>>>>> URGENCE DISK