
Pour inaugurer la soirĂ©e, Happening avaient mis leurs plus beaux costumes de mangeurs dâenfants â Ă moins que ce soit en rĂ©fĂ©rence aux jumeaux dans Alice au pays des merveilles, auxquels ils ressemblaient aussi. Je dirais bien que le trio revenait affutĂ© de leur sĂ©rie de concerts, notamment la tournĂ©e française avec les anglais de Kidbrother, mais en fait ils ont toujours Ă©tĂ© affutĂ©s, affutĂ©s comme des lames dâopinels sortant de lâusine.

Les voir sur scĂšne permet de se rendre compte combien leur musique est ambitieuse, Ă la fois technique, abrupte, et en mĂȘme temps trĂšs construite et sous forte influence mĂ©lodique. MĂȘme si Anthony, le chanteur, a toujours cette façon dâengueuler gentiment son public, les gens prĂ©sents leur ont bien fait la fĂȘte.

On pouvait sâattendre Ă ce quâun groupe cĂ©lĂ©brant ses 30 annĂ©es dâexistence et habituĂ©s des mĂ©ga-festivals ne fasse quâune bouchĂ©e dâune salle modeste comme le Brise-Glace. Eh bien, câest exactement ce qui sâest passĂ©.

Sick of it all attaque dâentrĂ©e de jeu avec trois titres ultra-rapides qui mettent le feu Ă la salle, avant dâenchaĂźner sur des morceaux plus punk-rock, plus entrainants comme le tube « Stepdown », qui parsĂšment leur set.

Sick of it all, câest une rĂ©fĂ©rence incontournable du hardcore new-yorkais. Leur musique emprunte Ă la fois au punk et au mĂ©tal sans jamais perdre son identitĂ© hardcore, son cĂŽtĂ© direct et percutant. Le groupe a toujours maintenu, Ă ma connaissance, une attitude Ă la fois rageuse, rĂ©flĂ©chie et accessible, perceptible dans leurs textes et dans leur prĂ©sence sur scĂšne.

Pas de violence gratuite. La rage, mais aussi lâenthousiasme dâĂȘtre lĂ ensemble. En 2016 exactement comme en 1994, la premiĂšre fois que je les avais vus et oĂč ils avaient rĂ©pondu aux questions dâun fanzine obscur, montrant pour toujours aux kids Ă©bahis quâon Ă©tait que le hardcore est une musique qui appartient Ă ceux qui lâĂ©coutent…

Dans la fosse, câest lâapocalypse. Pogo, slams et circle pits sâenchainent. Si quelques-uns croient encore que pogo rime avec violence, le bon esprit a pris rapidement le dessus. Les gens se soutiennent, se relĂšvent, font attention les uns aux autres â il y a quand mĂȘme dĂ» y avoir quelques articulations douloureuses le lendemain. Ca ne valait peut-ĂȘtre pas les fameuses « Sunday hardcore matinees » du CBGB Ă New-York mais je crois quâon peut quand mĂȘme dire quâon sâest bien amusĂ©s !
Dans la salle bien remplie, les gĂ©nĂ©rations se croisent. Certains dĂ©couvrent le groupe, voire assistent Ă leur premier concert de hardcore, et beaucoup dâautres, actifs dans la scĂšne aujourdâhui ou par le passĂ©, ont fait le dĂ©placement pour ce que reprĂ©sente le groupe. Sur un certain rĂ©seau social, jâai vu passer le hashtag #annecyhardcorecity. On y croirait presque…

Enfin pour que ce soit vraiment vrai, ce serait encore mieux que les concerts dâUnderground family â le collectif qui fait quâune scĂšne punk indĂ©pendante existe – fassent le plein. Et puis si la ville Ă©tait submergĂ©e par une nouvelle vague de groupes de hardcore, ça serait bien, aussi.
Hardcore… ou quelle que soit la forme que les kids utilisent pour crier leur rage et leur envie dâune vie diffĂ©rente aujourdâhui.
Toutes les photos de SOIA sont de K’s photography. Merci Karine !