« Jour de Koller » (une conversation avec Lou Koller de Sick of it all)

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Comme son groupe, qui joue avec la mĂȘme ferveur devant des milliers de personnes ou pour quelques fans regroupĂ©s dans une salle, Lou Koller, chanteur-hurleur de Sick of it all, ne fait pas de diffĂ©rence entre les questions d’un petit fanzine ou celles d’une grosse tĂ©lĂ©. MĂȘme simplicitĂ©, mĂȘme franchise. MĂȘme entrain pour faire connaĂźtre et dĂ©fendre la musique et la scĂšne de New-York. L’occasion Ă©tait donc trop belle, lors leur passage Ă  Annecy pour la tournĂ©e anniversaire des 30 ans de SOIA, de causer un peu avec ce morceau d’histoire du New-York hardcore.

Cette interview est dédicacée à Wladi et à Megablast Limoges.

Quelle est votre relation au sport ? Les groupes de New-York hardcore sont connus pour ĂȘtre plutĂŽt costauds
.

Exact, tout le monde est trĂšs athlĂ©tique ! Mais je suis le plus fainĂ©ant de toute cette scĂšne ! Dans le groupe, mon frĂšre Pete, c’est du non-stop. En tournĂ©e ou hors-tournĂ©e, il s’entraĂźne sans arrĂȘt ! Greg s’entraĂźne aussi mais, quand on est sur la route, Pete est le seul Ă  faire des exercices tous les jours. Moi je dĂ©teste ça, c’est trop chiant ! Mais bon, j’ai la chance d’avoir toujours Ă©tĂ© mince. Le seul truc dont j’ai besoin, c’est l’endurance. A chaque fois, quelques semaines avant de partir en tournĂ©e, c’est du genre : Eh merde, on repart en tournĂ©e, faut que je fasse quelque chose ! Et je me mets Ă  courir et Ă  faire des exercices. Juste un peu, je devrais en faire plus mais j’ai un petite fille de 6 ans et ça me fait bien dĂ©jĂ  courir. Par beau temps, on est toujours dehors et mĂȘme en hiver on sort jouer dans la neige, dans la boue, peu importe !

D’oĂč est-ce que ça vient, cette prééminence du sport et de l’entraĂźnement, dans la scĂšne hardcore new-yorkaise ?

De la pĂ©riode des squatts, au tout dĂ©but. On squattait dans des quartiers maintenant trĂšs agrĂ©ables mais qui Ă©taient vraiment dangereux Ă  l’époque, avec pas mal de gangs de rues. Les gens d’Agnostic front et des Cro-mags vivaient dans des squatts et les gangs pouvaient arriver Ă  n’importe quel moment pour les chasser du lieu. Et puis, ils y vivaient, rĂ©paraient le batĂźment, bricolaient l’électricitĂ©, en plus de faire face aux gangs. Je pense que c’est une idĂ©e que les gens se sont faites Ă  partir des premiĂšres photos d’Agnostic front, des Cro-Mags ou mĂȘme de Murphy’s law, qui Ă©taient tous bien costauds. Tout le monde Ă©tait Ă  fond dans les arts martiaux…

Puisqu’on parle de la scĂšne new-yorkaise, j’ai toujors eu l’impression que le NYHC c’était pour une part ĂȘtre fier de l’endroit d’oĂč on venait, de sa communautĂ©. Est-ce que c’est vrai et, Ă  ton avis, d’oĂč ça vient ?

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Hmm…, je ne sais pas si c’est quelque chose de propre Ă  New-York. Avant il y avait la scĂšne de Boston qui avait sorti la compil « This is Boston not L.A. » et je crois qu’ils Ă©taient fiers de l’endroit d’oĂč ils venaient, eux aussi. Au tout dĂ©but, New-York Ă©tait coincĂ©e entre la grande scĂšne hardcore de DC et celle de Boston. Bien sĂ»r, on avait notre propre scĂšne mais au dĂ©but elle n’était pas trĂšs connue Ă  travers le pays. D’oĂč la fiertĂ© lorsqu’elle a acquis davantage de reconnaissance. Nous, on a eu de la chance, quand on est venu pour la premiĂšre fois en Europe en 1992, le travail de fondation avait Ă©tĂ© fait par des groupes comme Agnostic front ou les Gorilla biscuits, qui n’étaient pas trĂšs connus mais qui se dĂ©menaient pour faire un maximum de tournĂ©es. Et tout le monde se demandait « Cest quoi ce nouveau style, le New-York hardcore ? » On a vraiment eu de la chance, parce que quand on est venu, tout le monde Ă©tait intĂ©ressĂ© par le hardcore de New-York. Et donc, on s’en est rĂ©clamĂ© parce que c’est de lĂ  qu’on venait aussi. Parfois les gens disent « Vous ĂȘtes les rois du New-York hardcore » mais nous, on veut ĂȘtre les rois de rien du tout ! On voudrait ĂȘtre les ambassadeurs du New-York hardcore. On a ouvert pour des groupes de mĂ©tal, pour Slayer, pour Exodus, on a tournĂ© avec les Bosstones (Mighty-Mighty Bosstones, ska-punk NDLR) parce qu’on veut que le monde voit ce qu’on aime. Donc, je ne pense pas que ce soit propre Ă  New-York. C’est comme le foot : les gens sont fous de l’équipe de leur ville mais ils soutiennent aussi leur Ă©quipe nationale.

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A ton avis, est-ce que c’est liĂ© aussi Ă  l’origine sociale des gens investis dans la scĂšne hardcore ? Quelque chose de liĂ© Ă  des origines ouvriĂšres ?

Les origines des gens Ă©taient assez variĂ©es. Surtout une fois que la scĂšne est devenue assez connue, elle a attirĂ© pas mal de gamins. Moi par exemple, je viens de la banlieue, du Queens oĂč la scĂšne punk et hardcore Ă©tait Ă©norme. Les Ramones venaient de lĂ -bas et des groupes comme Murphy’s law et Leeway aussi. Une bonne partie des membres de Reagan youth venaient du Queens. Puis, on a tous migrĂ© vers Manhattan, oĂč se passaient vraiment les choses. MĂȘme lĂ , c’était « Sick of it all, les mecs du Queens » et puis c’est juste devenu le hardcore de New-York. C’est Ă©trange mais oui, je dirais que ça a Ă  voir avec la culture ouvriĂšre. Mais bon, il y en a qui venaient de familles aisĂ©es, comme les mecs de Youth of today, qui Ă©taient du Connecticut – Youth of today, un groupe emblĂ©matique du New-York hardcore !

Vous jouez dans beaucoup de gros festivals maintenant. Est-ce que vous jouez souvent dans des salles plus petites et qu’est-ce que tu prĂ©fĂšres ?

J’aime les deux ! J’aime vraiment le dĂ©fi de jouer dans de gros festivals, d’essayer de capter l’attention de 10 ou 20 000 personnes et de les ouvrir Ă  ton style de musique. Mais les clubs c’est parfait, tu sais que c’est 90 % de fans et que ça va ĂȘtre l’éclate. Sur une tournĂ©e comme celle-ci, on fait 3 petits concerts, puis le Hellfest, le Graspop et retour aux petits clubs.

Donc vous n’ĂȘtes pas frustrĂ©s de plus petites salles ?

Non, non, pas du tout. L’annĂ©e derniĂšre, on a jouĂ© au Secret spot (Je crois qu’il s’agit en fait du Secret place NDLR) Ă  Montpellier. La scĂšne Ă©tait minuscule et le concert incroyable. Des gens juste devant toi, qui te rentrent dedans. GĂ©nial.

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Ma prochaine question nous fait pas mal remonter dans le passĂ©. Je me rappelle que vous aviez fait un dĂ©bat Ă  la radio de l’universitĂ© de New-York* avec les gens de Born against, tu t’en rappelles ?

Ha ha ha, tu parles si je m’en rappelle !

…et j’ai lu que, mĂȘme si vous n’aviez pas la mĂȘme vision des choses, tu Ă©tais d’accord sur certains points. Je me demandais sur quoi exactement ?

Mais je l’avais dit mĂȘme Ă  ce moment-lĂ  ! Je comprenais ce qu’ils voulaient dire mais ils refusaient de comprendre notre point-de-vue ! Dans Sick of it all, Ă  l’époque, on bossait tous et certains d’entre nous travaillaient et allaient Ă  l’école en mĂȘme temps. Et ils nous disaient « Vous devriez fonder votre propre label ! » Putain, quand est-ce que j’aurais eu le temps ? Faut que je paye le loyer, que j’aille au boulot, j’ai pas le temps de faire un label ! Peut-ĂȘtre, avec le recul, qu’on aurait dĂ» crĂ©er notre propre label, peut-ĂȘtre qu’on aurait dĂ» tout faire nous-mĂȘmes, on aurait probablement gagnĂ© beaucoup plus d’argent ! Peut-ĂȘtre
 on sait pas ! Mais bon, on travaillait toute la semaine et le vendredi on empilait le matos dans le van, on conduisait 5 ou 10 heures : concert. Le samedi : concert. Le dimanche : concert. Retour Ă  la maison le dimanche soir. Lundi matin : retour du matĂ©riel, et direct au boulot. On a fait ça pendant des annĂ©es ! Alors, quand quelqu’un est venu et nous a proposĂ© de sortir nos disques, on a dit oui, bien sĂ»r. Mais je comprend ce qu’ils voulaient dire
 Tu sais, c’est marrant parce que, des annĂ©es aprĂšs, l’un d’entre eux, je ne me rappelle plus qui, a dit dans une interview « On avait nos convictions et ils avaient les leurs mais, hey, Sick of it all continuent Ă  jouer et ils tournent plutĂŽt pas mal donc je suppose qu’ils ont gagnĂ©. » Mais gagner, c’était pas le but ! C’était plutĂŽt de comprendre les points-de-vue de chacun !

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A propos de New-York, c’est une ville qui avait la rĂ©putation d’ĂȘtre trĂšs violente autrefois et qui est aujourd’hui prĂ©sentĂ©e comme une des plus sĂ»res des Etats-Unis, qu’en penses-tu ?

C’est vrai dans une certaine mesure. Il y a toujours du crime mais ça a bien diminuĂ©. Mais c’est Ă  double-tranchant : ils nettoient la ville mais elle perd beaucoup de sa personnalitĂ©. Une ville cool n’est pas obligĂ©e d’avoir des dealers Ă  chaque coin de rue, des agressions et des gangs, mais ce sont les grosses entreprises qui ont pris la place. Il y avait beaucoup de petits restaurants (« Mom and pop restaurants » NDLR) et maintenant c’est beaucoup de grosses chaines et moi, j’en ai rien Ă  foutre de ce genre de trucs. Je vais trĂšs rarement Ă  Manhattan aujourd’hui, je vis dans le New-Jersey. Je vais dans le Queens, Ă  Brooklyn, mon ancien quartier, c’est toujours comme avant. J’ai de bons amis qui ont vĂ©cu dans leur appartement Ă  Brooklyn pendant des dizaines d’annĂ©es et qui ont Ă©tĂ© obligĂ© de partir plus vers l’extĂ©rieur parce que le quartier s’embourgeoise (« is getting gentrified » NDLR). C’est ça le progrĂšs, je suppose (rires).

Si tu avais un ami qui venait Ă  New-York pour la premiĂšre fois, quels sont les endroits que tu lui conseillerais ?

Je pense que je conseillerais toujours Manhattan. MĂȘme si c’est bizarre parce qu’aujourdhui je connais des magasins de musique hors de New-York qui sont bien meilleurs que ceux de Manhattan. Vers le Bronx, il y a un endroit qui s’appelle Hastings-on-Hudson et il y a un magasin de disques, Clockwork records, tenu par un gars qui Ă©tait dans la scĂšne. Il Ă©tait toujours avec nous et son magasin est un des meilleurs de New-York ! Mais bon, il y a toujours la boutique New-York Hardcore Tattoos et encore quelques magasins de disque dans le centre mais en ce qui concerne les clubs, tu ne peux pas te tromper avec le Webster hall, l’ABC No Rio qui fait toujours des concerts hardcore en sous-sol
 Mais ils dĂ©mĂ©nagent bientĂŽt, le bĂątiment a Ă©tĂ© achetĂ©.

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As-tu un groupe français préféré ?

Un groupe français ? Oh
 Je les connais pas assez
 On en voit tellement
 (Il cherche, il cherche…) Ah, j’aime Black Zombie Procession ! On les a rencontrĂ©s l’autre soir, ils nous ont donnĂ© des CDs et c’était vraiment bien ! Super crossover !

Vous avez pas mal de morceaux aux influences punk-rock. Est-ce-que c’est une direction dans laquelle vous allez vous diriger de plus en plus ?

C’est quelque chose qu’on joue depuis des annĂ©es et des annĂ©es ! Depuis le tout dĂ©but mĂȘme, dans le premier album : Friends like you, Give respect Ă©taient influencĂ©es par le punk et la OĂŻ qu’on adore, tout comme le harcore et le mĂ©tal ! Les gens nous disent souvent : vous devriez Ă©crire plus de titres avec des choeurs comme Stepdown ou Die alone et d’autres veulent plus de trucs lourds comme Scratch the surface. On vient de faire un nouvel EP pour le 30e anniversaire, 5 morceaux, plus orientĂ©s lourd, mais avec des refrains OĂŻ. Donc ça reste toujours avec nous ! Les gens nous disent : regardez Hatebreed, c’est que du lourd et toute la salle devient dingue ! Mais nous, en concert, on a des supers rĂ©actions sur nos morceaux lourds et quand on fait nos singalongs, la salle explose ! Et ça, on pourra jamais s’en passer ! Mais je vois ce que tu veux dire… Pete Ă©coute de plus en plus de punk, je sais pas si c’est parce qu’il vieillit… C’est un peu flippant : parfois il joue des trucs, je lui demande ce que c’est et en fait c’est des nouveaux morceaux vraiment punk. Mais quand il arrive au studio, il a toujours plein de riffs lourds aussi. Moi, je prĂ©fĂšre les trucs lourds ! (rires)

Je pensais à Agnostic front, en fait, qui ont l’air d’aller de plus en plus dans cette direction


Le truc avec Agnostic front, c’est que « Victims in pain » est tellement un classique. Pour moi, c’est ça Agnostic front. « Cause for alarm » Ă©tait bien mais c’était un tel changement. Ils sont comme nous, des dizaines d’annĂ©es Ă  trouver le bon Ă©quilibre entre le lourd et les influences plus punk. « One voice » Ă©tait un super disque et puis ils ont quasiment virĂ© total street-punk et c’était classe. Et ils se sont remis Ă  faire des morceaux plus lourds et je trouve que ça fonctionne bien aussi. Nous aussi, on a eu des pĂ©riodes, plus punk-rock quand on Ă©tait sur Fat Wreck, puis plus lourd
 Mais bon, je crois qu’aujourd’hui, on est revenu Ă  ce qui nous convient le mieux !

 

* Ce dĂ©bat opposait entre autres des membres de Sick of it all Ă  ceux de Born against, qui prĂŽnaient une approche beaucoup plus politique et radicale de la musique, refusant de fontionner Ă  l’interieur du capitalisme. En France, Born against et la philosophie Do it yourself radicale inspireront notamment toute une scĂšne autour de Stonehenge records.

Les photos de cette interview sont l’oeuvre de Karine, merci ! Cette interview est une collaboration avec le chouette webzine Rictus.

 

« PlongĂ©e en sono profonde » (INTERVIEW L’OrchidĂ©e cosmique)

L'orchidée new wave

Avec deux premiers enregistrements disponibles sur internet, des concerts Ă  un rythme soutenu, L’OrchidĂ©e cosmique est un projet qui commence Ă  affirmer son identitĂ© singuliĂšre dans le paysage musical annecien. Il Ă©tait temps de rencontrer Florian, l’homme derriĂšre le one-man band cosmique Ce fĂ»t chose faite lors de son concert Ă  la Brasserie pirate, Ă©tape d’une tournĂ©e de 8 dates Ă  travers la France au printemps 2016.

Depuis quand le projet L’OrchidĂ©e cosmique existe-t-il ?

J’ai commencĂ© Ă  faire des concerts en octobre 2015 et j’avais mis une annĂ©e Ă  le prĂ©parer : apprendre un peu de MAO pour les parties batteries et construire un petit set !

Quelle est ta mĂ©thode de composition ? Est-elle diffĂ©rente d’un groupe classique ?

Je fonctionne pas mal au riff qui me plait et que je fais tourner avec le looper, sur lequel je vais essayer plusieurs sons, plusieurs thĂšmes, des samples Ă  certains passages… Et puis, les parties batteries sur Qbase m’imposent un peu une structure, sur laquelle je vais broder.

Quelle était ton envie au départ de ce projet ?

De jouer, dĂ©jĂ  (rires) ! J’avais envie d’un truc un peu plus noise que l’autre groupe dans lequel je joue (From asylum, NDLR), plus typĂ© mĂ©tal. Quelque chose qui puisse vite ĂȘtre montĂ© en live, avec pas trop de matos. J’ai pris la basse, alors que je suis guitariste Ă  la base, parce que je trouvais le son chouette avec le fuzz.

OrchidĂ©e 2 rictusEst-ce que ce projet t’as permis d’explorer d’autres aspects techniques ?

Les effets, j’Ă©tais dĂ©jĂ  bien dedans en tant que guitariste. La MAO, je m’en servais pour enregistrer des riffs mais un pote bien calĂ© m’a aidĂ© et appris beaucoup de choses.

Tu as l’air de beaucoup jouer, est-ce que tu peux nous parler des concerts que tu as faits ? Est-ce que le fait de faire un one-man band te permet de jouer plus et peut-ĂȘtre dans des endroits insolites ?

Oui, je passe pas mal de temps Ă  chercher des concerts ! Et quand on cherche, on trouve ! DĂ©jĂ , je n’occupe pas la place d’un groupe standard, la configuration est assez mobile. Donc, le fait d’ĂȘtre tout seul aussi, autonome avec mon matĂ©riel, je pense que ça aide Ă  trouver des concerts C’est vrai aussi que, comme je n’ai pas de batterie accoustique, je peux jouer Ă  n’importe quel volume. Pour l’instant, j’ai jouĂ© dans des bars ou des salles. Le projet est assez rĂ©cent, je n’ai pas de recul mais c’est vrai que je pourrais jouer dans des appartements. Si j’ai une prise de courant, je peux jouer un peu partout.

D’oĂč t’est venu ce nom, l’OrchidĂ©e cosmique ?

Au dĂ©but, j’Ă©tais parti sur un livre de Cousteau, qui s’appelle L’Homme, la pieuvre et l’orchidĂ©e. Et puis, pour ne pas avoir de souci plus tard et aussi pour que ce soit plus personnel, j’ai tranchĂ© pour l’OrchidĂ©e cosmique. Cosmique, par rapport Ă  la musique que je fais, les sons blindĂ©s de delay, qui partent un peu dans tous les sens.

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L’ochidĂ©e, c’est aussi une plante qu’on trouve en montagne. Est-ce-que le fait d’habiter Ă  Annecy, dans les Alpes, a une influence sur la façon dont tu conçois la musique ?

(Il hĂ©site.) Non, je ne pense pas
 Mes influences, c’est plutĂŽt la musique que j’Ă©coute, ou alors des personnes, des collĂšgues Ă  la salle de rĂ©pĂšte, des concerts


Je sais que tu vas voir pas mal de concerts. Est-ce qu’il y a des concerts que t’as trouvĂ©s gĂ©niaux, rĂ©cemment ou pas ?

Effectivement, entre les concerts que je fais et ceux pour l’asso Ă  laquelle je donne un coup de main sur ChambĂ©ry (Minimal chords, NDLR), je vois pas mal de choses. Il y a un one-man band que j’avais trouvĂ© super, c’Ă©tait Gull. Il a juste une grosse caisse, une caisse claire, un charlet, un looper je crois et des effets, et un masque. Il chante dans le masque, le micro est intĂ©grĂ© dedans. Je connaissais pas plus que ça et, en live, c’Ă©tait vraiment hallucinant.

Et, sur Annecy, as-tu l’impression de faire partie d’une scĂšne ?

(Nouvelle pause.) Non, pas trop
 Je ressens plus ça sur ChambĂ©ry, avec l’asso Minimal chords. Je sais pas
 Il y a peut-ĂȘtre plus de groupes


Est-ce-que tu es intĂ©ressĂ© par l’idĂ©e d’une scĂšne alternative ? Est-ce-que ça signifie quelque chose pour toi ?

Là, tu me parles du cÎté alternatif dans la musique ou du mouvement alternatif ?

Je sais pas, selon ce que ça signifie pour toi


Je trouve que c’est un principe d’Ă©changes artistiques parce que dans ce lieux-lĂ , en gĂ©nral il n’y a pas que des concerts, il y a des expos, vidĂ©os, projos
 Et puis souvent c’est accessible, avc des entrĂ©es en prix libre, etc. Donc, c’est un bm moyen pour dĂ©couvrir autre chose que de la musique
 VoilĂ  ce que ça Ă©voque pour moi !

Tu joues pas mal de musique mais comment survis-tu dans la vie de tous les jours ?

Je fais pas mal de musique, effectivement. J’ai fait des Ă©tudes de chaudronnerie, mais ça m’a jamais trop plu. Je donne des cours de guitare, j’ai travaillĂ© dans un magasin de musique aussi, pendant 5 ans. AprĂšs, j’ai eu l’opportunitĂ© d’aller Ă  Nancy pour Ă©tudier la musique dans une Ă©cole. J’ai trouvĂ© le taf dans le magasin de musique juste aprĂšs. Ca m’a permis de rencontrer pas mal de monde. Tout tourne un peu autour de la musique. J’essaie de faire un peu de sport pour calmer le jeu (rires) !

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Tu es guitariste mais est-ce que tu as d’autres centres d’intĂ©rĂȘt musicaux ?

Oui, la MAO, ça m’intĂ©resse de plus en plus. Je trouve pas mal de choses qui pourraient ĂȘtre exploitĂ©es, des sons de claviers, autant sur des claviers maĂźtres que sur des machines Ă  bidouiller.


Quels sont les groupes d’Annecy que tu pourrais recommander ?

Ouh la, c’est dur, ça ! Ben… il y a les Komodo… Nevraska, c’est super cool. Et puis, il y a L’Epouvantail, aussi, en metal.

As-tu des projets d’enregistrement ?

Oui ! Par contre, je vais prendre mon temps pour le faire. J’ai deux titres dans le set qui n’ont pas Ă©tĂ© enregistrĂ©s. Je vais attendre d’en avoir cinq ou six pour sortir quelque chose, en physique cette fois. J’ai rien de pressĂ© en disque pour l’instant, tout est sur le net. Donc voila, c’est en projet !

Pour conclure, tu veux rajouter quelque chose ?

Peut-ĂȘtre inciter les gens Ă  aller aux concerts ? On dĂ©couvre des trucs, on rencontre des gens et on passe de bonnes soirĂ©es !

https://lorchideecosmique.bandcamp.com/

Interview : TUCO

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Des gros riffs qui tournent en boucle, façon Panzer division, striĂ©s parfois de fulgurances oĂč l’atmosphĂšre se fait changeante et les accords inattendus… Ce que j’avais entendu de Tuco m’avait bien mis les crocs. Un concert – manquĂ© –  Ă  Urgence disks le 25 fĂ©vrier dernier et la petite vidĂ©o qui allait avec n’avaient fait qu’aiguiser cette frustration. J’ai donc dĂ©cidĂ© d’envoyer quelques questions au jeune groupe suisse originaire de Duillier, histoire d’en savoir un peu plus…

Vous avez enregistrĂ© un EP en 2009/2010. Qu’est-ce qui s’est passĂ© pour vous depuis ?

Laurent (basse, voix) : Ouais, ça fait un peu groupe de branlos tout ça… En fait, le timing n’aurait pas pu ĂȘtre beaucoup plus mauvais que ça. On l’a enregistrĂ© en aoĂ»t 2009, et je partais voyager avec ma copine pour 9 mois en septembre. Quand je suis rentrĂ© de voyage, Michel (guitare) dĂ©cidait de partir pour travailler Ă  ZĂŒrich, oĂč il est restĂ© 3 ans environ. Bon, lui n’a pas chĂŽmĂ© lĂ -bas, car il a vite rejoint Gletscher (post-rock), oĂč cette fois il jouait de la batterie. Quand il est revenu, on s’est tout de suite dit qu’on allait reprendre Tuco, mais cette fois-ci c’Ă©tait Patoche, notre batteur Ă  l’Ă©poque de l’enregistrement, qui n’Ă©tait plus de la partie, maintenant il fait bouger des culs dans Lord Makumba, un groupe d’afro-beat basĂ© sur GenĂšve. Du coup, on a demandĂ© Ă  Seb (batterie) de nous rejoindre. On le connaĂźt depuis toujours et il venait de quitter Mumakil pour des raisons de problĂšmes rĂ©currents au poignet. Ça a pris un peu de temps pour qu’il puisse se remettre Ă  jouer normalement, mais maintentant ça roule nickel. Du coup, on s’est remis Ă  composer et Ă  rĂ©pĂ©ter rĂ©guliĂšrement, et on espĂšre que ça va continuer comme ça!

Tuco, c’est le personnage d’une sĂ©rie, je crois. Pouvez-vous nous en dire un plus sur le choix de ce nom et cette inspiration ?

Laurent : Ah ouais, c’est le narcotrafiquant dans Breaking Bad. En fait, quand on a commencĂ© la sĂ©rie n’existait pas encore. Tuco, c’est plutĂŽt un double hommage: premiĂšrement, c’est le personnage « The Ugly » (le truand) dans le film de Sergio Leone, on s’est dit que ce bandit mexicain dĂ©gueulasse, ça correspondait assez bien avec notre musique. Ensuite, c’est un hommage au groupe Keelhaul qui nous a beaucoup influencĂ©s, oĂč Tuco est le nom de la premiĂšre track de leur premier album.

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Pour vous, cette musique, c’est juste de la musique ou y a-t-il Ă©galement un esprit et des idĂ©es ?

Laurent : Bon c’est clair que c’est la musique qui importe le plus. En fait, au dĂ©but on avait commencĂ© en groupe instrumental avant qu’on ne se rende compte qu’il manquait quelque chose, la voix. Je me suis fait dĂ©signer volontaire et dans la composition on pense Ă  la voix en termes de « Ah ouais, ce serait bien d’ajouter du chant sur cette partie bourrine », sans aller beaucoup plus dans les dĂ©tails. Pour revenir aux idĂ©es, nous n’avons jamais pensĂ© Ă  Tuco comme un vecteur pour promouvoir des idĂ©es. Par contre, il est Ă  mon avis impossible de ne rien laisser transparaĂźtre de ce qu’on pense ou ressent, et quelque part cela se retrouve dans notre musique. En fait, on ne cherche ni Ă  cacher ni mettre en avant certains aspects de nos personnalitĂ©s. Ce que l’on recherche, c’est crĂ©er des Ă©motions quelles qu’elles soient chez nos auditeurs. Tuco est un espace oĂč chacun d’entre nous peut se laisser aller, ce qui la plupart du temps signifie raconter des blagues moisies entre les morceaux.

Le visuel de votre EP fait un peu penser Ă  l’esthĂ©tique communiste ? Qui l’a rĂ©alisĂ© ?

Laurent : Ah ouais, merci, en fait je ne l’avais jamais vu comme ça. C’est Manon Roland (http://www.manonroland.ch/), une copine illustratrice qui l’a fait. Elle est super talentueuse et fait plein de trucs : illustrations, graphisme, animations. On lui a donnĂ© carte blanche, on voulait juste que celĂ  reprĂ©sente le cĂŽtĂ© brut, sans fioritures de notre musique. On a Ă©tĂ© super contents du rĂ©sultat. Je vais lui dire, cela lui fera plaisir.

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Et en passant, que pensez-vous de l’idĂ©e du communisme ? Etes-vous Ă  l’aise dans la sociĂ©tĂ©, disons, libĂ©rale et matĂ©rialiste dans laquelle nous vivons ?

Laurent : Alors l’idĂ©e du communisme est bonne, mais se base sur une conception assez optimiste de l’ĂȘtre humain oĂč tout un chacun rĂ©alise que le bien commun s’aligne avec le bien individuel. Je ne pense pas que l’humain ait atteint un tel niveau de dĂ©veloppement, Ă  mon avis les intĂ©rĂȘts personnels primeront toujours sur le bien commun, mĂȘme si le systĂšme global en pĂątit. Comme tu le vois, je ne suis guĂšre optimiste, mais c’est mon avis personnel. AprĂšs, au niveau de la mise en application du communisme, le tableau est absolument accablant, avec des privations de libertĂ©s inacceptables. Si tu regardes maintenant, la plupart des pays qui ont un rĂ©gime officiellement communiste au pouvoir pratiquent le libĂ©ralisme Ă©conomique, et ne gardent que le rĂ©gime totalitaire en tant qu’Ă©tat-flic (je pense notamment Ă  des pays comme la Chine ou le Vietnam, dont je suis originaire).

AprĂšs, je ne suis pas fan de la sociĂ©tĂ© ultra-libĂ©rale dans laquelle nous vivons. Lire que les 60 plus riches possĂšdent autant que la moitiĂ© de la population la plus pauvre fout clairement les boules. AprĂšs, on se rend compte du bol immense d’avoir grandi en Suisse, oĂč la libertĂ© de penser et de s’exprimer est gĂ©nĂ©ralement garantie, oĂč on bĂ©nĂ©ficie d’une Ă©ducation de qualitĂ© et des perspectives personnelles et professionnelles. Dans ce contexte, je me vois mal cracher dans la soupe, mĂȘme si nos privilĂšges ont un coĂ»t pour le reste de la planĂšte. À la fin, la chance que nous avons de vivre dans cette sociĂ©tĂ© est que nous pouvons faire des choix, ce qui au niveau global est un luxe.

Comment s’est passĂ© votre concert Ă  Urgence disks ? Avez-vous apprĂ©ciĂ© de jouer dans ce lieu ?

Laurent : Alors oui c’Ă©tait super. Damien d’Urgence Disk a Ă©tĂ© hyper-classe : nous a invitĂ©s, nous a fait la promo, nous a nourris, nous a filĂ© des biĂšres, nous a filmĂ©s et nous a encore donnĂ©s l’argent des entrĂ©es.

Quels sont vos projets ?

Laurent : Dans l’immĂ©diat, notre but est de donner le plus de concerts possible et de continuer Ă  progresser et composer. D’ici la fin de l’annĂ©e, on aimerait bien enregistrer les nouvelles compositions (EP ou LP, Ă  voir).

Merci beaucoup ! Voulez-vous rajouter quelque chose ? Une petite blague ? Un message qui vous tient Ă  coeur ?

On ne dira qu’une chose : Le gĂ©nĂ©ral est arrivĂ© Ă  pied par la Chine mais Superman a une bouille incroyable.

https://tuco12666.bandcamp.com/releases

« Aujourd’hui la salle de rĂ©pĂšte, demain l’univers. » (Interview Happening)

 

Rencontre avec Anthony (guitare/chant), Bastien (batterie) et Martin (basse) : les hommes derriĂšre la boule de nerfs dont le nom est Happening.

 

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Martin, Bastien et Anthony avant leur concert Ă  Chateau rouge

Pouvez-vous me parler un peu de ce que vous avez fait avant Happening ?

Anthony : J’Ă©tais dans un groupe qui s’appelait Arteries Shaking avec Martin. Au dĂ©part, Happening, c’Ă©tait Bastien et moi, on Ă©crivait des morceaux, on s’essayait Ă  de nouvelles choses. Puis on a demandĂ© Ă  Martin de faire la basse.

Bastien : Moi, j’avais un groupe de pop-punk, Pin-Up explosion. Des chansons de skateboard
 En fait, on s’est connu Ă  l’Ă©cole de musique. À la base, Anthony et moi, on faisait des reprises de Rammstein (rires)…

Anthony : Puis Ă  un moment on s’est dit qu’il Ă©tait peut-ĂȘtre temps de faire quelque chose de concret, on a proposĂ© Ă  Martin de nous rejoindre et c’est comme ça que c’est nĂ©.

Vous considérez Happening comme votre projet le plus sérieux ?

Anthony : Clairement. Les autres projets Ă©taient sĂ©rieux mais on a appris grĂące Ă  eux et on essaye de faire le moins d’erreurs possibles – mĂȘme si on en fait malgrĂ© tout, mais moins qu’avant, peut ĂȘtre de maniĂšre plus rĂ©flĂ©chie. Je pense que c’est le projet sur lequel on va le plus loin, sur lequel on se dĂ©voile et sur lequel on s’investit pour de vrai.

 

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Interview Happening – Tom Ă  la captation (Photos DR Geoffrey Martin)

 

Vous venez de sortir un album. Pouvez-nous dire un peu dans quelles conditions ça s’est fait ?

Anthony : Il est sorti via Send the wood music, un label de Montpellier, qui a sorti d’autres groupes trĂšs cools, genre GnĂŽ, un des groupes dans lequel jouait avant Christophe Godin. On les a connus par le biais d’Arteries Shaking. On leur a proposĂ© de sortir l’album et ça s’est fait. Il est distribuĂ© par toutes les plateformes connues, style Itunes, Amazon, Spotify, toutes ces saloperies qui ne servent Ă  rien Ă  notre Ă©chelle (rires) ! Si vous voulez acheter un album physique, faut venir nous voir jouer, ou le commander sur le shop du label, ou sur le nĂŽtre !

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre lien avec le Brise-Glace ?

Anthony : On les avait rencontrĂ©s avec Arteries shaking. Pour moi, on s’en est fait des amis, des alliĂ©s
 C’est grĂące Ă  eux qu’on joue aujourd’hui. On a enregistrĂ© les voix de notre premier EP chez eux, des bonus acoustiques, ils nous ont suivis, nous ont placĂ©s sur certains plans. On a retravaillĂ© avec eux pour l’album et on a fait une rĂ©sidence rĂ©cemment, avec Tom, qui est l’ingĂ©-son sur les plans comme aujourd’hui. C’est clairement notre salle de coeur !

Bastien : Concernant le boulot de résidence, on a surtout bossé sur le son du groupe, sur des plateaux qui en valent la peine, avec du vrai matos et surtout avec Tom.

Anthony : J’ajoute que quand on parle de « plateaux qui en valent la peine » c’est juste qu’il y a des salles qui permettent plus de choses que d’autres, qui demandent plus de travail. Mais, tous les plateaux en valent la peine. Jouer dans une cave est tout aussi important que faire une grosse SMAC. L’important, c’est les gens… Comme disait Bastien, on a passĂ© du temps Ă  bosser sur le son, sur l’identitĂ© du groupe. A travers le matĂ©riel, il faut arriver Ă  un son qui sonne un peu comme si on jouait dans notre salle de rĂ©pĂšte, en plus travaillĂ© Ă©videmment. On cherche un rendu qui nous ressemble, qui ressemble au dernier disque qu’on a sorti.

Est-ce que vous pouvez avoir l’impression d’ĂȘtre formatĂ©s dans ces rĂ©sidences, d’une maniĂšre ou d’une autre, d’avoir une pression par rapport Ă  ce que vous aviez envie d’amener ou d’ĂȘtre ?

Anthony : Si on ne connaissait personne, on se serait peut-ĂȘtre sentis dĂ©pendants, on aurait peut-ĂȘtre cherchĂ© Ă  se comporter comme comme on nous demandait de nous comporter mais lĂ  c’est pas du tout le cas. Si on a envie d’aller fumer un clope et de rien faire pendant dix minutes, personne va nous emmerder. Ce sont des collĂšgues, des copains, du coup quand l’un a envie de faire une pause, l’autre a aussi envie, et quand l’un a envie de bosser, ben l’autre, c’est pareil. Il n’y a aucune contrainte… Dans la mesure du raisonnable Ă©videmment. LĂ -bas, on se sent toujours Ă  la maison. Les conditions sont chouettes et personne ne nous a jamais mis la pression. Je pense que c’est pour ça que ça se passe si bien.

 

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Interview Happening – Finalement, c’est un double Tom

Sur votre site, vous dĂ©crivez votre groupe comme « alternatif ». En quoi est-ce que vous ĂȘtes alternatifs ? Le punk, ça signifie quelque chose, pour vous ?

Bastien : Les deux formations qu’on avait avant Ă©taient deux groupes punk, pop-punk ou autre


Anthony : Le punk, nous concernant, c’est plus une Ă©nergie qu’on essaie de garder dans nos morceaux qu’un style.

Bastien : On se dĂ©crit « alternatif » parce qu’on ne sait pas
 Aux yeux de nos grands-parents, on fait du hard-trash-metal-extrĂȘme-etc et aux yeux des mecs qui font ça, on fait de la pop. (rires)

Anthony : DĂšs le dĂ©part, on s’est dit qu’on ne voulait pas d’Ă©tiquettes, on ne se ferme pas de portes. Si on Ă©crit quelque chose qui ne colle pas esthĂ©tiquement Ă  ce qu’on a fait avant, on s’en tape. Quand je regarde les affiches Ă  l’Ă©tranger, il y a rarement de style, c’est juste un nom et puis basta. Si les gens veulent savoir ce que c’est, ils vont Ă©couter. Sur notre site, c’est « post-hardcore alternatif », on a rien de post, rien de hardcore et rien d’alternatif. Pourquoi on a mis ça ? Je ne sais pas ! C’est peut-ĂȘtre ce qui s’en rapproche mais, dans l’absolu, on s’en fout. On joue de la musique. On n’a jamais voulu rentrer lĂ -dedans
 Si un jour, on veut rapper sur un morceau, on le fera. C’est pas pour autant qu’on se considĂ©rera comme groupe de rap ! C’est triste, ce besoin de ranger les groupes dans une case.

Y a-t-il des groupes qui vous tiennent particuliĂšrement Ă  cƓur ? Qui vous ont inspirĂ©s pour faire ce que vous faĂźtes, mĂȘme au-delĂ  de l’inspiration musicale ?

Martin : On Ă©coute plein de trucs. Pas forcĂ©ment reliĂ©s Ă  ce qu’on fait


Anthony : Martin Ă©coute du rap français ou US en plus d’Ă©couter les mĂȘmes trucs que nous… plus on passe de temps ensemble, plus j’apprĂ©cie aussi.

Martin :Moi, j’aime les textes, aussi. Quand j’Ă©coute des groupes comme Norma Jean, ça me parle


Je pense qu’on s’inspire de toutes les musiques qu’on Ă©coute, on ne compose pas forcĂ©ment dans tel ou tel esprit. On laisse aller.

Anthony : Le fait de faire quelque chose qui ne parle pas forcĂ©ment Ă  tout le monde vient sĂ»rement de ça. On se nourrit d’un tas de trucs diffĂ©rents. AprĂšs, s’il y a un groupe auquel on nous compare trĂšs souvent, c’est Thrice. J’en suis plutĂŽt fier parce que c’est un de mes groupes prĂ©fĂ©rĂ©s, mĂȘme si je n’ai jamais eu l’impression de m’inspirer d’eux pour composer, c’est peut-ĂȘtre inconscient.

Vous ĂȘtes contents de jouer avec Therapy?

Bastien : Moi, je ne connaissais pas avant mais on est content parce que c’est des gros papas avec une carriĂšre remarquable. C’est cool de jouer avec des pointures comme ça.

Anthony : C’est aprĂšs avoir acceptĂ© la date qu’on a dĂ©couvert qui Ă©tait Therapy ?, qu’on s’est rendu compte de la notoriĂ©tĂ© qu’ils avaient, de l’impact qu’ils ont eu sur d’autres gĂ©nĂ©rations. On est contents et fiers. Il n’y a pas si longtemps on Ă©tait dans notre salle de rĂ©pĂšte Ă  envisager de fonder un groupe et aujourd’hui on nous demande de faire la premiĂšre partie de Therapy? dans une super salle, dans des conditions qui sont tops. A notre petite Ă©chelle, c’est hyper motivant. On est juste ravi. Merci ChĂąteau Rouge ! Bisou Therapy? !

Est-ce que vous avez d’autres activitĂ©s autour de la musique ou en lien avec ce milieu-lĂ  ?

Martin : Moi, je suis prĂ©sident de la MJC d’Aix-les Bains, lĂ  oĂč on rĂ©pĂšte.

Anthony : On a pas peur de dire que chez nous, il se passe pas grand-chose Ă  l’exception d’un gros festival et d’un Ă©vĂ©nement sur une semaine que notre mjc organise. Sinon, il se passe rien du point de vue de la musique rock. Du coup, Martin a voulu s’impliquer pour essayer de faire changer les choses, les avis, les prĂ©fĂ©rences. MĂȘme si Ă©videmment, il n’y a pas que le milieu de la musique Ă  faire Ă©voluer. Encore une fois, Ă  notre petite Ă©chelle, on tente des trucs.

Bastien : Je fais de la vidéo, de la photo et du graphisme. Tout ce qui tourne autour de ça.

Anthony et Bastien : C’est lui qui a fait la pochette de l’album, nos clips avec parfois une aide extĂ©rieure, nos visuels pour un peu tout ce qu’on fait. Faut le dire, mĂȘme s’il n’ose pas se mettre en avant. (Rires)

Bastien : Et puis, je vais parler d’Anthony – vu que lui parle de moi -, lui, il sait se servir de Protools maintenant (rires). Il a fait les guitares et les basses de l’album chez lui… On a tous un peu dĂ©veloppĂ© des compĂ©tences pour faire avancer le groupe et celle-ci nous permettront peut-ĂȘtre d’Ă©voluer en dehors Ă©galement.

Anthony : Faire les choses nous-mĂȘmes, ça nous permet d’Ă©conomiser de l’argent et d’arriver Ă  un rĂ©sultat qui nous plaĂźt vraiment. Plus le temps passe et plus on devient autonome, j’espĂšre qu’Ă  terme, on n’aura juste besoin d’un petit groupe de gens autour de nous avec qui tout gĂ©rer.

Pour revenir Ă  Aix-les-Bains, est-ce qu’il y a d’autres groupes dont vous vous sentez proches et dont vous voudriez parler ? Est-ce que vous faĂźtes partie d’une scĂšne ?

Martin : Il y a quelques groupes sur Aix-les-bains, mais pour trouver des gens qui ont des goĂ»ts musicaux et des ambitions qu’on partage un peu, c’est plus sur Lyon. Il y a Directors Cut, avec qui on a dĂ©jĂ  jouĂ© et avec qui on rejouera.

Anthony : Ils avaient ouvert pour nous pour la sortie de l’album, avec d’autres potes, du nom d’Above the North, c’est un groupe de melodic-hardcore de Lyon. Il y a aussi Tusk qui vaut bien le coup.

Bastien : Y’a aussi Space fisters, j’Ă©tais en musique Ă©tude avec eux, qui se bougent le cul pour faire du son.

Est-ce que vous lisez des fanzines ou des blogs ?

Bastien : Euh, j’avoue que


Martin : Un peu Altnews ou quand on parle de nous, mais pas trop au courant non plus


Bastien : PlutĂŽt les pages Facebook…

Anthony : Moi, par contre, je lis un tas d’articles, que ce soit des petits fanzines ou des gros sites. Pas un site en particulier mais un peu tout ce qui passe, si un titre me plaĂźt, je lis. Je passe du temps lĂ -dessus. C’est peut-ĂȘtre un peu plus mon rĂŽle dans le groupe… Puis ça fait des histoires Ă  raconter. Parfois trop. (rires)

C’est quoi, vos projets pour la suite ?

Anthony : Faire un concert sur une autre planĂšte, pour l’Ă©quipe de Stargate SG-1. (Rires)

Bastien : On booke une tournée pour le mois de février., avec un groupe anglais, Kidbrother. Puis ensuite tourner le plus possible


Anthony : On veut aussi faire un max de clips. Diffuser nos morceaux par le biais de la vidĂ©o, parce que c’est plus intĂ©ressant qu’un simple fichier audio. Et puis Ă  terme, refaire un disque
 mais pas tout de suite, hein.

Martin : Le projet, c’est de devenir les maĂźtres du monde ! D’aller le plus loin possible.

Anthony : D’aller lĂ  oĂč on veut aller, essayer de sĂ©duire les gens pour que notre vie tourne autour des concerts, des tournĂ©es… et essayer d’ĂȘtre fiers de ça quand on sera vieux, ou morts.

Anthony, j’ai vu que tu avais un projet qui s’appelle Mental Jail


Anthony : C’est un duo accoustique, un peu plus accessible qu’Happening en terme de style, avec Anthony Arbet qui Ă©tait un membre d’Arteries Shaking. On va enregistrer prochainement. J’y crois vraiment, je suis assez content de ce qu’on fait tous les deux. C’est deux guitares acoustiques, un pedal-board et deux chants. Bastien va s’occuper de tout le visuel et Martin Ă©crira peut-ĂȘtre des textes pour nous. Qui sait ? C’est un truc qui me tient Ă  coeur et je pense que mes frangins d’Happening en feront partie d’une certaine façon


https://happening.bandcamp.com/

PS Cette interview est la suite de ma collaboration avec Rictus (http://rictus.info/aujourd-hui-la-salle-de-repete.html) – il y en aura probablement d’autres ! – et toutes les photos sont copyright Geoffrey Martin. Merci Ă  lui ! (http://www.geoffrey-martin.com/)

Interview : « Jean-Christophe Rabiller, Minimum trip »

visuel titre 1

Jean-Christophe est un drĂŽle de gars et j’aime bien les drĂŽles de gars. Il vĂźt assez simplement Ă  Grenoble, oĂč je l’ai rencontrĂ© en faisant du ski de rando, et a la particularitĂ© de passer une partie non nĂ©gligeable de l’annĂ©e de l’autre cĂŽtĂ© de la terre, lors d’expĂ©ditions en kayak gonflable bricolĂ© avec un budget minimal. Il Ă©crit, photographie et filme ces voyages et il a Ă©galement pratiquĂ© la peinture. Et ici, il rĂ©pond donc Ă  mes questions, plus ou moins.

Pourrais-tu nous faire l’historique de tes expĂ©ditions ?

Ca a commencĂ© par un gros but ! J’avais en tĂȘte de faire le tour de l’atoll de Rangiroa en PolynĂ©sie française et je me suis aperçu, sur place, que mon matos Ă©tait pas au point, je me suis blessĂ© et, donc, je n’ai pas fait le tour de l’atoll. Mais je suis revenu un ou deux ans plus tard et ça a Ă©tĂ© ma premiĂšre expĂ©dition : le tour de l’atoll de Rangiroa sur un kayak gonflable.

J’ai mis un peu moins de trois semaines, dans des conditions extraordinaires. Seul avec le sable blancs, les cocotiers, les Ăźles – y’a Ă  peu prĂšs deux cents Ăźles autour d’un lagon, pratiquement inhabitĂ©es – l’eau turquoise, les oiseaux. J’arrivais sur des Ăźles totalement improbables encore plus belles que les plus belles cartes postales du coin. C’Ă©tait il y a sept ou huit ans, je n’arrive plus trop Ă  me rappeler.

C’Ă©tait avec un kayak que je n’avais pas construit moi-mĂȘme. Petit Ă  petit, dans les expĂ©ditions qui ont suivi, j’ai mis au point un kayak.

cocovert détouré

La deuxiĂšme expĂ©dition que j’ai faite, c’Ă©tait Ă  Madagascar, avec un kayak gonflable que j’ai construit moi-mĂȘme, mais Ă  partir d’une housse prĂ©existante dans laquelle j’ai mis quatre boudins gonflables indĂ©pendants. C’est pour une question de sĂ©curitĂ© – comme ça si dans une traversĂ©e, tu as un boudin qui se dĂ©gonfle, il en reste trois. D’ailleurs, j’ai eu ce problĂšme aux Fidji, Ă  cause d’une valve dĂ©fectueuse que je n’avais pas faite moi-mĂȘme.

L’expĂ©dition d’aprĂšs, c’Ă©tait aux Fidji et lĂ  j’ai fait la totalitĂ© du kayak. Sauf les valves et du coup j’ai eu un souci de valve sur place !

salomon poisson différents

Iles Salomon, 2014.

Donc tu n’utilises maintenant que du matĂ©riel que tu as fabriquĂ© toi-mĂȘme ?

Ouais. Alors, le kayak, je l’ai fabriquĂ© avec du pvc et de la colle pvc. J’ai fabriquĂ© la tente, aussi. Et puis tout un tas de petit matos. Par exemple, le sac Ă©tanche que je mets Ă  l’arriĂšre du kayak, et dans lequel je range le kayak quand je prends l’avion. Tout ça pour avoir du matĂ©riel lĂ©ger, solide et efficace.

En fait, on s’aperçoit que, dans le commerce, le plupart des choses qui sont vendues sont axĂ©es sur le design – c’est dans l’air du temps, les constructeurs refont le monde chaque annĂ©e pour faire marcher le business. Mais trĂšs souvent, c’est mal conçu, pas solide, avec des dĂ©fauts qui sont inconcevables. Par exemple, leurs sacs Ă©tanches – sacs Ă©tanches qui servent aussi de sacs Ă  dos – sont de couleur noire. Sous un cagnard Ă©norme, il va faire 80°C dans le sac, donc tout est bousillĂ©. Donc, il faut avoir des sacs blancs. Mais pour trouver des sacs blancs, Ă©tanches, avec des fermetures costauds, c’est galĂšre.

Decathlon, Ă  un moment, avait fait une tente de trek noire. C’est terrible, quand il pleut et qu’on doit rester dans la tente, on ne voit rien ! Et le moindre rayon de soleil chauffe beaucoup trop !

C’est donc extrĂȘmement important d’ĂȘtre bricoleur pour pouvoir faire son matos soi-mĂȘme. J’y passe des heures. Sur le kayak, j’ai encore passĂ© une cinquantaine d’heures Ă  modifier sa forme pour le rendre plus hydrodynamique.

fidji canoé échoué 2

Quelque part aux Fidjis.

Tu as fait une expĂ©dition que tu as appelĂ©e « ExpĂ©dition 6 kilos » 

C’Ă©tait Madagascar. C’Ă©tait le poids du kayak et la totalitĂ© du matĂ©riel faisait 20 kilos, sans les affaires de chasse sous-marine. Mais maintenant je pars trĂšs souvent avec les affaires de chasse sous-marine et, en tout, j’ai 25 kilos. L’avantage, c’est que je ne suis dĂ©pendant de personne. J’arrive, je gonfle mon kayak et je pars.

fidji palmier détouré

Quels sont tes objectifs quand tu pars en voyage ?

Je ne sais mĂȘme pas si j’ai d’explications. J’aime beaucoup la mer. Je trouve extraordinaire de se retrouver tout seul dans des endroits aussi beaux et dĂ©serts. C’est un peu un recentrage sur soi-mĂȘme. Le fait de se retrouver tout seul, ça coupe un peu avec la vie que j’ai Ă  Grenoble. Et ça me permet d’avoir la mer en Ă©tĂ© et la montagne en hiver !

Ca permet d’ĂȘtre libre, de faire ses propres choix sans que ce soit imposĂ© par quoi que ce soit, si ce n’est les conditions climatiques ou la nature. Sinon, il n’y a personne pour nous dire ce qu’il faut faire, oĂč dormir.

Les rencontres avec les gens sont importantes quand mĂȘme. Dans mes voyages, j’ai largement le temps d’ĂȘtre tout seul et de rencontrer des gens. Quand je suis dans des coins oĂč il y a de quoi chasser, je m’arrĂȘte dans des villages et je ramĂšne mon poisson pour les gens. Et du coup je mange avec eux et il y a un bon Ă©change et parfois on tombe sur des gens qui sont trĂšs trĂšs contents de vous avoir – pas forcĂ©ment que pour le poisson, hein (rires) ! Je pense par exemple Ă  une semaine que j’ai passĂ©e dans les Ăźles Salomon, dans un lieu totalement paumĂ© oĂč habite une famille, une douzaine de personnes peut-ĂȘtre, le mari travaillait dans un des seuls resort Ă  touristes du coin. Chaque jour, je leur ramenais 15 voire 20 kilos de poisson, on le mangeait ensemble, ils pouvaient le revendre Ă©ventuellement quand il y en avait trop. C’Ă©tait vraiment un trĂšs bon deal. Ils m’ont trouvĂ© une terrasse couverte pour mettre ma tente et on a passĂ© une semaine trĂšs agrĂ©able Ă  partager.

guitaresdétouréentourées

Les gens sont-ils intrigués par ce que tu fais ? Est-ce quelque chose dont ils te parlent ?

J’ai du avoir ces discussions-lĂ  mais je n’arrive pas Ă  m’en rappeler. C’est rare. Je pense que pour eux, ça doit ĂȘtre assez naturel de venir dans des endroits comme ça. Il sont en pleine nature, ils sont heureux, je crois. AprĂšs, je choisis bien mes Ăźles aussi ! (rires)

Suite de l’historique ?

Juste avant Madagascar, il y a eu les Fidji avec le kayak que j’avais construit Ă  partir d’une housse prĂ©existante et je me suis pris un but aux Fidji. J’avais fait une grosse erreur sur les boudins. J’ai fini mon kayak une semaine avant de partir, j’ai pas pu le tester. Je suis arrivĂ© sur place, j’ai fait un kilomĂštre en kayak et je me suis aperçu qu’il Ă©tait totalement instable et que je ne pouvais pas faire mon expĂ©dition. Je suis restĂ© 35 jours sur la mĂȘme plage sur une Ăźle assez paumĂ©e. J’Ă©tais Ă  1 km d’un resort Ă  touristes mais l’endroit Ă©tait quand mĂȘme paradisiaque, hein ! Heureusement, j’avais mon matos de chasse sous-marine et j’allais porter mon poisson au staff du resort et en Ă©change ils me filaient des trucs, genre Coca-cola, pizzas, du chocolat
 et sinon, je mangeais du poisson et des noix de cocos. Ca, c’Ă©tait au mois de juillet, aprĂšs je suis rentrĂ© en France. J’ai mis au point mon kayak et c’est le mĂȘme Ă©tĂ© que je suis parti Ă  Madagascar faire l’expĂ©dition 6 kilos, qui a trĂšs bien marchĂ©.

fidji machette dĂ©tourĂ©eAprĂšs, je suis retournĂ© aux Fidjis, pour me venger, avec un kayak entiĂšrement construit. Une expĂ©dition superbe pendant un mois. Puis, je suis retournĂ© Ă  Madgascar, un peu sur les traces de ma premiĂšre expĂ©dition mais pas tout Ă  fait pareil. Ensuite, j’ai refait les Fidjis, une troisiĂšme fois, et aprĂšs j’ai fait les Ăźles Salomon, cet Ă©tĂ©.

Quels sont les dangers dans tes voyages ?

Aux Ăźles Salomon, j’ai su aprĂšs avoir pris mon billet d’avion qu’il y avait des des crocodiles ! Il a fallu gĂ©rer les crocodiles ! Je me suis renseignĂ© sur les zones dangereuses oĂč il ne fallait pas aller, ou au moins oĂč je pouvais traverser mais pas descendre du kayak
 Les requins, c’est pas un danger. Par contre, quand je chasse, il y en a Ă  tous les coins de rue et, de temps en temps, il faut leur taper sur le museau pour pas qu’ils ne s’approchent trop prĂšs. C’est comme s’il y avait des chiens qui te tournaient un peu autour. De toutes façons, Ă  partir du moment oĂč tu mets ton poisson sur le kayak et pas Ă  la ceinture, il y a assez peu de risque.

Tu voyages seul, le partage ne te manque-t-il pas ?

Eh bien, non. Parce que j’ai besoin de ces moments-lĂ . Par contre, j’ai un retour grĂ ce aux compte-rendus et films que je fais. Quand je fais un reportage sur place, je sais que ça va ĂȘtre vu aprĂšs et donc partagĂ©. Ce serait quand mĂȘme frustrant si il n’y avait pas un partage aprĂšs.

D’oĂč te vient l’inspiration pour faire ces expĂ©ditions aussi lointaines ?

Le but, c’est se retrouver dans un endroit isolĂ©. Je suis obligĂ© d’aller de l’autre cĂŽtĂ© de la terre pour trouver des conditions agrĂ©ables pour naviguer. Pendant l’Ă©tĂ© français, il faut aller dans l’hĂ©misphĂšre sud. Si j’allais dans l’hĂ©misphĂšre nord, il y aurait des risques cycloniques et il fait trĂšs chaud, il pleut. C’est trĂšs dĂ©sagrĂ©able. Je vais d’ailleurs aller dans les Bahamas. Pour la premiĂšre fois dans l’hĂ©misphĂšre nord. En plus, il n’y a pas de cocotiers. L’ombre va ĂȘtre difficile Ă  trouver. On va voir comment ça se gĂšre… Ca se gĂšrera de toutes façons…

Les noix de cocos, c’est vraiment un truc basique dans mes voyages. En gros, les trois-quarts de ce que je bois, c’est des cocos verts (Noix de cocos qu’il faut dĂ©crocher de l’arbre et qui contiennent le plus de jus). C’est aussi la nourriture que je mange le midi. En PolynĂ©sie française, des cocoteraies, il y en a partout. Ca permet d’emporter moins d’eau, moins de nourriture. Donc, aux Bahamas, ça va ĂȘtre compliquĂ©. Non seulement, il y aura moins de cocotiers mais il y aura moins de magasins ! (rires)

poisson double-tĂȘte dĂ©tourĂ© fond vert

Tu montes en haut des cocotiers ?

Non, j’ai juste un crochet que j’accroche avec de la chambre Ă  air sur un bout de bois que je trouve sur place et coupe Ă  la machette. Sans machette, dans ces pays-lĂ , on n’est rien !

As-tu connaissance de personnes qui font des expéditions similaires en kayak gonflable ?

Non. D’ailleurs, le kayak, si je l’ai fabriquĂ©, c’est qu’il n’existait pas, a priori. Je n’ai jamais vu personne partir en solo sur un kayak gonflable. J’ai cherchĂ© sur internet : il y a des gens qui ont fait des choses sur des kayaks gonflables mais plus gros, plus lourds et pas en solo. D’ailleurs, je n’ai jamais croisĂ© de kayakiste en solo quand j’y Ă©tais. Je croise parfois des voyages organisĂ©s qui sont en kayaks.

fidji palmies nuit

Quelles sont les caractéristiques de ton kayak par rapport à ceux que tu peux trouver dans le commerce ?

Le poids, surtout. Le modĂšle que j’ai fabriquĂ© entiĂšrement fait 7 kilos. Et les quatre boudins pour la sĂ©curitĂ©. Et puis, il est vraiment extrĂȘmement rĂ©sistant. Je n’ai jamais percĂ© un boudin. Les bĂąches de camion PVC, c’est vraiment solide. MĂȘme sur du corail, faudrait y aller…

Donc : poids, sĂ©curitĂ©, soliditĂ©. Le modĂšle que j’ai fabriquĂ© entiĂšrement fait 7 kilos. Je mets au dĂ©fi quiconque de trouver l’Ă©quivalent dans le commerce. Ca serait d’ailleurs peut-ĂȘtre intĂ©ressant de produire ça, il y aurait peut-ĂȘtre des gens prĂȘts Ă  investir. Ce qui est extraordinaire, c’est que je peux aller partout. Porter le kayak, c’est vraiment pas un problĂšme. DĂšs que je dĂ©barque quelque part, tout est simple. Pas besoin de s’Ă©chiner Ă  tirer un kayak lourd. Si il y a besoin, je peux mĂȘme traverser Ă  pied des endroits. Je pense notamment que ce sera utile dans des endroits comme les lacs au Canada.

As-tu connu des moments difficiles dans tes expéditions ?

Il y a des moments qui ne sont pas Ă©vidents. Le premier, le deuxiĂšme jour, il faut se faire violence. Il faut complĂštement changer de repĂšres par rapport Ă  la vie qu’on a d’habitude. Quand je suis arrivĂ© aux Ăźles Salomon, il flottait, il faisait humide, super chaud, avec des moustiques. Je dĂ©couvrais qu’il n’y avait pas de plage, que de la mangrove. C’Ă©tait le bordel pour dĂ©barquer. Et je comprenais que ça n’allait pas ĂȘtre simple. Mais bon, au bout de deux ou trois jours, on prend ses repĂšres. DiffĂ©rents de la vie de patachon qu’on mĂšne ici. MĂȘme quand tu fais de la montagne, le soir, tu rentres chez toi. Quand tu vis trente-trois jours sur un lagon, c’est diffĂ©rent. Mais aprĂšs, une fois que c’est lancĂ©, c’est le paradis.

Tes voyages sont complÚtement autofinancés ?

Oui. Je ne cherche pas Ă  avoir de sponsor, parce qu’aprĂšs tu es redevable de quelque chose. Il n’y a que le billet d’avion qui me coĂ»te quelque chose. Sur place, je ne dĂ©pense pratiquement rien. Le matĂ©riel ne me coĂ»te pas grand-chose puisque je fabrique moi-mĂȘme. C’est surtout du temps. J’ai un budget zĂ©ro !

salomon photo famille

Iles Salomon, 2014.

Est-ce que tu travailles ici juste pour partir ?

Ben, je vis pas pour travailler, ça c’est sĂ»r ! Mais je ne dĂ©teste pas du tout ce que je fais. (Jean-Christophe donne des cours particuliers de Maths-Physique) Aujourd’hui j’ai une telle libertĂ© que je ne pourrais plus ĂȘtre dans un cadre avec une hiĂ©rarchie, des horaires imposĂ©s.

MĂȘme si je travaille assez peu, je travaille. J’ai une vie normale, je ne suis pas marginal mais j’ai complĂštement quittĂ© la sociĂ©tĂ© de consommation. Je ne pouvais pas ĂȘtre dans la sociĂ©tĂ© comme tout le monde, ça c’est sĂ»r, et je crois que j’ai rĂ©ussi Ă  trouver un Ă©quilibre par rapport Ă  la vie que je recherchais. AprĂšs, ça peut changer. Peut-ĂȘtre qu’un jour, il y aura un dĂ©part dĂ©finitif…ou au moins vivre isolĂ©, trouver un atelier pour reprendre la peinture


AprĂšs, il y a tout le cĂŽtĂ© aprĂšs voyage qui est de monter les films. Ils sont Ă  cheval entre la recherche artistique et le compte-rendu d’expĂ©dition.

afro détouré

Est-ce que tu pourrais définir ton approche esthétique ?

Ce que je recherche, c’est Ă  me faire plaisir dans une aventure. Les films je les vois comme une sorte d’oeuvre, quelque chose que j’ai besoin de faire. Tout comme dans la peinture, j’avais besoin de montrer certaines choses que j’avais dans la tĂȘte
 Je veux que ce soit le contenu qui fasse mon film, la nature, sa beautĂ©, les rencontres avec les gens
 Il y a quand mĂȘme une sorte de militantisme pour montrer aux gens qu’il y a autre chose que la sociĂ©tĂ© de consommation, que de se faire manipuler par les grands groupes, par la publicitĂ©. Qu’on peut faire autre chose de sa vie. Quand les gens sont dans la sociĂ©tĂ© de consommation, ils ne peuvent pas ĂȘtre heureux, c’est pas possible. Au bout d’un moment, ils sont frustrĂ©s, ils font chier les autres et ça profite Ă  personne. Donc, il y a l’envie de montrer qu’il existe une autre rĂ©alitĂ©. Ou plutĂŽt, qu’il existe une seule rĂ©alitĂ© et qu’elle est occultĂ©e par les conneries qu’on veut nous faire avaler. Je dirais que chez beaucoup d’artistes, il y a un recul par rapport Ă  la sociĂ©tĂ© parce que, par dĂ©finition, ce sont des gens qui ne voudront jamais ĂȘtre dans le moule.

Etre artiste, c’est uniquement une rĂ©action Ă  la sociĂ©té ?

MĂȘme s’il ne faut pas gĂ©nĂ©raliser, il y a une rĂ©action, je pense, chez beaucoup d’artistes. Ou, en tous cas, un besoin de ne pas ĂȘtre dans les clous
 Un besoin plus prononcĂ© que chez d’autres, d’aller dans des chemins de traverse


Ca a l’air d’ĂȘtre assez important pour toi, qui te surnomme « artiste autoproclamé » 

J’ai toujours critiquĂ© l’art contemporain officiel, c’est-Ă -dire quelque chose qui nous dicte ce qu’on doit penser et faire et j’ai toujours militĂ© pour essayer de dĂ©noncer cet Ă©tat de fait, un peu comme je dĂ©nonce la sociĂ©tĂ© de consommation. Et un jour je me suis fait traitĂ© d’ « artiste autoproclamé ». Je me suis dit « Ben ouais
 C’est exactement ce que je suis. » Et la phrase est restĂ©e


fidji chouette photo canoé

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Sitographie

http://jcrabiller.free.fr/

PS

Jean-Christophe vient de sortir un album d’électro – sous son pseudo « Karderouge »-  qui s’appelle « Presshertz » et qu’il a fait tout seul avec ses petites mains et son petit ordinateur. C’est assez fou et ça s’écoute ici : https://www.youtube.com/watch?v=uO8qYrvRNk8 en plus de s’acheter sur certains sites spĂ©cialisĂ©s bien connus.

Interview : NEVRASKA

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J’avais envie d’inclure quelques interviews sur ce blog, et j’avais bien aimĂ© le concert de Nevraska Ă  l’Alterlocal. J’ai appris qu’ils Ă©taient d’ici, que le groupe en Ă©tait Ă  ses dĂ©buts
 Bref, l’idĂ©e de les interviewer est venue assez naturellement.

Ca s’est fait un peu avant leur concert avec Shizune Ă  la Machine utile, le 1er mai.

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Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez fait avant Nevraska ?

Pascal : Moi, le groupe qui a Ă©tĂ© le plus marquant, ça a Ă©tĂ© Human side. Ce groupe a durĂ© 10 ans, on faisait une espĂšce de trash technique et puis on a Ă©voluĂ© vers quelque chose de plus mĂ©lodique, screamo, tout ça. En 10 ans, le groupe avait Ă©voluĂ© et c’Ă©tait cool parce qu’on Ă©tait arrivĂ© Ă  une symbiose pas mal. J’ai aussi fait pas mal d’autres groupes dans des styles Ă©clectiques : de la musique grecque des annĂ©es 30, de la funk, du flamenco Ă  deux guitares – je dis flamenco mais je devrais pas, c’Ă©tait Ă  trop petit niveau


Cyril : Comme Pascal, j’ai eu un groupe mĂ©tal/emo/hardcore qui s’appelait Inner suffering. AprĂšs je me suis orientĂ© plus dans le rock, le stoner, puis garage. Et comme d’hab, y’a tout qui foire donc j’ai un peu abandonnĂ© la musique Ă  une Ă©poque et puis Pascal m’a relancĂ© et je me suis dit pourquoi pas ? Et c’est ce que j’ai fait de mieux, je crois


Qu’est-ce que vous avez fait jusqu’Ă  maintenant avec Nevraska ?

Pascal : On a choisi d’enregistrer deux titres, chez Moratel, en Suisse, parce que c’est un mec qui correspondait vraiment au son qu’on veut. Deux titres en une journĂ©e. On l’a fait un peu suer mais bon
 c’est cher ! Enfin, c’est pas vraiment deux morceaux. Liru, c’est plus une intro. On l’a tournĂ© en dix minutes et on s’est concentrĂ© sur l’autre morceau. C’Ă©tait un choix de mettre des ronds pour avoir tout de suite quelque chose de qualitĂ©, d’ailleurs c’est pour ça qu’on a fait le site, aussi. On voulait que tout soit beau tout de suite, que ça nous fasse plaisir Ă  nous aussi.

On a fait une dizaine de concerts jusqu’Ă  prĂ©sent. Le premier a Ă©tĂ© le festival Ecole-en-Bauges en septembre dernier.

Shizune 2

Aviez-vous jouĂ© dans un duo basse-batterie avant ? Est-ce qu’il y a des formations similaires qui vous ont influencĂ©s ?

Pascal : Non, jamais, et ce n’Ă©tait pas le but. C’est juste qu’il manque vraiment de gens sur Annecy et que c’est trĂšs dur de trouver des gens avec qui on a le feeling musical et humain. A force, on s’est dit tant pis, on part Ă  deux. AprĂšs des groupes comme Sabot, moi j’adore mais c’Ă©tait pas du tout une source d’inspiration. On voulait un chant, un synthĂ©, une guitare… C’Ă©tait vraiment pas le but de faire basse/batterie, Ă  la base.

Cyril : On pourrait rajouter une guitare mais finalement Ă  deux, ça se passe trĂšs bien. On se comprend vite, on compose vite. Donc, on va tout faire Ă  deux jusqu’Ă  l’album et si on prend un guitariste, ce sera pour un autre projet… Pour moi, c’Ă©tait pas une source d’inspiration non plus et en plus les duos, ça fait un peu concept et moi, je suis pas trĂšs concept.

Pascal : Les duos, ça peut vite tomber dans la musique expĂ©rimentale ou un peu folle et nous, c’est pas le but, on veut juste faire des ziks cools qu’on aime bien !

Nevraska 2

Est-ce que vous avez l’impression de faire partie d’une scĂšne Ă  Annecy ?

Pascal : On ne peut que faire partie d’une scĂšne puisque ça fait 15 ou 20 ans qu’on est dans ce rĂ©seau Ă  Annecy. Ceci dit, comme on est plus vieux, les jeunes qui arrivent ne nous connaissent pas forcĂ©ment. AprĂšs, la scĂšne annecienne, ça se compte quand mĂȘme trĂšs vite
 mais il y a quand mĂȘme une scĂšne punk/garage qui est trĂšs prĂ©sente
. Mais tout ce qui est hardcore/noise/math/post, la scĂšne est trĂšs rĂ©duite


Et selon toi, qui fait bouger cette scÚne ?

Pascal : Ben, selon moi, tu en as ici le meilleur exemple. L’Underground family, notamment Loaf, ça fait 20 ou 25 ans qu’il fait ça. C’est le seul et unique sur Annecy. Il a sorti des compiles, il a organisĂ© des concerts de partout. Y’a eu le Tilleul qui organisait des trucs. L’Alterlocal, c’est pas trop au niveau musical
 D’ailleurs, Loaf nous a toujours supportĂ©s et donc c’est un juste retour de parler de lui. C’est le seul et unique ! Bon, y’a aussi les Baujus qui organisent de belles choses dans les Bauges et font aussi partie de l’organisation de l’Underground family…

Nevraska 1

Au niveau mĂ©dias, est-ce qu’il y a des trucs que tu regardes, que ce soit sur internet ou sur papier?

Pascal : Y’a Mowno. Moi, j’aime beaucoup la musique math-rock et ils en parlent Ă  mort donc c’est cool. Sinon, tous les webzines, Fennec, Perte et fracas


Comment vous vous placez par rapport Ă  l’utilisation d’internet ?

Pascal : On n’est pas forcĂ©ment au top, mais on essaye de faire au mieux. C’est clair qu’on pourrait avoir un Instagram, on n’a pas, mais c’est du temps aussi ! Faut qu’on dĂ©veloppe tout ça, mais c’est dĂ©jĂ  pas mal. Y’a pas mal de plans qui tombent grĂące Ă  ça. Mais on a voulu que tout soit beau, le son, le site, mĂȘme le facebook. Moi je suis dans le milieu, donc ça m’Ă©clate de faire ça.

Tu vois donc ça de maniĂšre trĂšs positive, parce que moi j’ai l’impression que, avec Internet, les groupes se consacrent beaucoup Ă  faire de l’auto-promotion…

Pascal : Ouais, mais c’est bien ! Sinon, c’est trĂšs dur d’avoir quelqu’un qui t’Ă©paule. C’est une peu le chat qui se mort la queue : si tu fais pas assez de concerts, tu n’auras personne pour s’occuper de toi, si tu n’as personne, tu ne feras pas assez de concerts
 Alors que lĂ , le rĂ©seau, ça rĂ©agit tout de suite. Par exemple, y’a Noise’R Us Ă  Bayonne qui nous ont mis morceau de la semaine, je ne sais pas comment ils ont su
 A l’Ă©poque, on n’arrivait pas Ă  avoir accĂšs Ă  ça.

Oui, c’est vrai. Je pensais plutĂŽt au fait que beaucoup focalisent sur les « Likes » et sont un peu dans une dĂ©marche d’auto-promotion constante


Pascal : Nous, on veut que ce soit beau et cool mais tout en gardant une intégrité. On est des vieux punks, des vieux punks modernes !

Justement ma question suivante Ă©tait : qu’est-ce que ça signifie, pour vous, le punk ?

Pascal : La musique, je m’en branle Ă  la limite, ce qui m’intĂ©resse, c’est l’Ă©tat d’esprit. Ne pas se vendre, l’intĂ©gritĂ©.

Est-ce qu’il y a des gens qui t’ont particuliĂšrement marquĂ© et qui t’ont amenĂ© Ă  faire cette musique ?

Pascal : Ben… les potes, dĂ©jĂ , c’est eux qui m’ont hyper motivĂ©, qui m’ont donnĂ© l’envie. AprĂšs… des groupes, il y en a eu des millions… et ça continue… Mais pas de mentors en particulier, juste l’Ă©nergie, l’envie et de voir ce que les gens faisaient avec .

Et voilĂ ! Fin de l’interview, il est temps de monter sur scĂšne. On ne rigole pas avec le timing Ă  la Machine utile ! Dommage, j’allais juste aborder les questions politiques hard… 😉 Merci beaucoup aux deux Nevraska !

http://www.nevraska.com/

https://nevraska.bandcamp.com/